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Entre recherches et pratiques

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Pays : France  Langue(s) : français 

Enfance et histoire : cultures et pratiques enfantines du passé


Date :  du 23-04-2020 au 24-04-2020

Lieu :  Maison de la Recherche Sorbonne-Université - 28 rue Serpente 75006 Paris, France

Organisation :  Sorbonne Université

Marc Ferro se demandait en 1981 Comment on raconte l’histoire aux enfants à travers le monde entier, le colloque « Enfance et histoire : cultures et pratiques enfantines du passé » entend aujourd’hui comprendre comment les jeux, les divertissements, les livres et autres productions des industries culturelles et créatives esquissent, convoquent, ou racontent quelque chose du passé aux enfants hors l’institution scolaire. Dans une perspective interdisciplinaire visant à faire dialoguer les travaux en sciences de l’information et de la communication, en histoire, en études littéraires, en anthropologie, en sociologie, en sciences de l’éducation, etc., notre objectif sera de lever le voile sur la diversité des ingénieries du passé à destination des enfants, en rendant compte aussi bien des dimensions matérielles de ces productions culturelles, que de leurs dimensions idéologiques, économiques et symboliques.



Programme : 

Argumentaire

Dans un numéro du Débat consacré au « Difficile enseignement de l’histoire », Krzysztof Pomian affirme que « tout le monde [serait] d’accord sur le fait que l’enseignement de l’histoire à l’école traverse une crise »[ii] tandis que Christophe Charle déplore « que l’on soit revenu à l’ère des polémiques à propos des fonctions de l’histoire nationale. » La création d’un Comité de vigilance face aux usages publics de l’histoire ayant pour objectif de « résister plus efficacement aux tentatives d’instrumentalisation du passé »[iii] témoigne de cette place de choix accordée à l’histoire en France, et semble confirmer le contrôle spécifique qu’exerce la discipline historique sur la régulation de ses usages. Dans ce contexte, un certain nombre de recherches se sont attelées à caractériser la manière dont l’histoire était enseignée dans le cadre de l’institution scolaire[iv], à travers des analyses de l’évolution des programmes et des manuels, dont chaque mise à jour ne manque pas, d’ailleurs, de souligner la dimension proprement politique.

Empruntant une autre perspective, des chercheurs se sont interrogés sur la manière dont le passé était mobilisé à d’autres fins que celle de l’enseignement de l’histoire : Daniel Fabre constate ainsi que l’« histoire a changé de lieux, si nous entendons sous ce terme aussi bien l’espace dans lequel elle germe et auquel elle se lie, les acteurs en qui elle se cristallise et les manières qui, aujourd’hui, lui permettent de prendre place »[v]. Pierre Nora souligne quant à lui que « l’histoire n’est peut être nulle part, mais le passé partout »[vi], et nombreux sont les chercheurs qui font état de l’omniprésence d’un passé mis au service du présent[vii] par ses usages politiques[viii] ou économiques[ix], ou sondent ses dimensions médiationnelle[x], culturelle[xi], esthétique et dramatique[xii].

S’intéresser à la manière dont le passé est donné à voir aux enfants en dehors de l’institution scolaire, c’est ainsi chercher un combler un double manque : celui d’avoir bien souvent limité les recherches sur le rapport entre histoire et enfance à cette institution, et symétriquement, celui de n’avoir pas interrogé la part proprement enfantine de certaines cultures du passé. Ce manque peut s’expliquer par une probable prudence des sciences humaines et sociales à considérer le monde des enfants, laissant souvent le domaine de la petite enfance à la psychologie, comme le rappelle le sociologue Wilfried Lignier[xiii].

Pourtant, le passé est convoqué dans des activités quotidiennes (histoires, chansons, jeux …) au centre des sociabilités enfantines, tout comme il constitue une ressource particulièrement foisonnante pour les industries culturelles et médiatiques qui s’adressent aux plus jeunes. De la même manière que les éditions et médias spécifiquement consacrés aux enfants se sont développés de longue date[xiv], il existe un récit, des évocations et des pratiques du passé[xv] qui leur seraient dédiés sous d’autres formes de médiations ; ces dernières empruntent aussi bien au parcours de musée qu’aux jeux de plateau, aux figurines à manipuler qu’aux jeux vidéo, aux quizz éducatifs qu’aux documentaires sous forme de dessins animés. L’univers historique destiné aux enfants est peuplé de chevaliers Playmobil, de châteaux forts Lego, de figurines de Cléopâtre en plastique, de Barbies dans des carrosses, de bandes dessinées La guerre des Lulus sur les poilus, de romans historiques Les colombes du Roi Soleil sur la cour de Louis XIV, ou de quizz illustrés « Cétéki? » sur Jeanne d’Arc, de contes de fées aussi bien que de dinosaures et de dragons, créatures dont on ne sait parfois plus trop si elles font ou non partie de l’histoire.

Peu de recherches se sont toutefois consacrées spécifiquement aux savoirs ordinaires de l’histoire que les enfants croisent chaque jour lorsqu’ils quittent la salle de classe, qui soulèvent pourtant un certain nombre de tensions et de problématiques qui méritent d’être interrogées. Car à travers ces médiations multiples et protéiformes, qui n’ont pas la même prétention à dire l’histoire, quelque chose de celle-ci s’énonce pourtant, et semble constituer le cadre d’une culture enfantine partagée sur le passé.

Il y a donc fort à comprendre en ne limitant pas l’interrogation des usages du passé à leurs dimensions politique, cérémonielle et commémorative pour questionner au plus près des pratiques culturelles ordinaires des enfants, la convocation de passés au fondement de certaines cultures ou d’imaginaires sociaux. Ne sont-ce pas les jeux, lectures, fictions qui instaurent le premier contact avec le continent historique et en constituent le plus petit dénominateur en partage chez les enfants ?

Marc Ferro se demandait en 1981 Comment on raconte l’histoire aux enfants à travers le monde entier[xvi], le colloque « Enfance et histoire : cultures et pratiques enfantines du passé » entend aujourd’hui comprendre comment les jeux, les divertissements, les livres et autres productions des industries culturelles et créatives esquissent, convoquent, ou racontent quelque chose du passé aux enfants hors l’institution scolaire.

Dans une perspective interdisciplinaire visant à faire dialoguer les travaux en sciences de l’information et de la communication, en histoire, en études littéraires, en anthropologie, en sociologie, en sciences de l’éducation, etc., notre objectif sera de lever le voile sur la diversité des ingénieries du passé à destination des enfants, en rendant compte aussi bien des dimensions matérielles[xvii] de ces productions culturelles, que de leurs dimensions idéologiques, économiques et symboliques.

Les communications pourront s’insérer dans une ou plusieurs des thématiques suivantes. Elles pourront porter sur des productions contemporaines ou bien adopter une perspective historique.

  1. Savoirs du passé
  2. Imaginaires et représentations du passé
  3. La fabrique de l’enfance
  4. Observations et méthodes

Un dernier axe s’intéressera aux méthodologies qui permettent de comprendre comment les enfants se saisissent de cette culture du passé dans leurs pratiques ordinaires. Comment mettre en œuvre des méthodes qui permettent d’explorer ce que les enfants perçoivent de ces médiations non scolaires ? Que nous apprennent les observations ou les enquêtes de terrain sur ce que fabriquent les enfants avec ce passé ? Comment celui-ci est-il compris, approprié, mis en jeu, évoqué ? S’agit-il pour eux de rejouer, de connaître, d’imaginer, de comprendre ou encore de transformer ?

Modalités et calendrier

Le colloque interdisciplinaire est ouvert aux chercheur.e.s. et doctorant.e.s. de toutes les sciences humaines et sociales. Les propositions, d’une page maximum, devront préciser le cadre de référence et le corpus envisagé, et sont à envoyer à enfancehistoire@gmail.com
avant le 1er décembre 2019.

Les propositions feront l’objet d’un processus d’expertise en double-aveugle.

  • 1er décembre 2019 : clôture de l’appel à communication
  • 1er février 2020 : notification d’acceptation
  • 5 mars 2020 : diffusion du programme
  • 23 et 24 avril 2020 : colloque


URL :  https://calenda.org/.../669801


mot(s) clé(s) :  histoire de l'éducation, vie des élèves