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     Langue(s) : français 

Les inégalités scolaires en Haïti : le cas de l'enseignement fondamental


Auteur(s) :  LAGUERRE Samuel

Date de soutenance :  2023

Thèse délivrée par :  Université Paris Cité

Section(s) CNU :  section 19 : Sociologie, démographie

Sous la direction de :  Marie-France LANGE

Jury de thèse :  Marielle BRUYNINCK ; Valérie DELAUNAY ; Pascal LAFONT ; Marie-France LANGE ; Jean-Baptiste MEYER

 

"Cette thèse analyse les inégalités scolaires en Haïti, en mettant l'accent sur l'enseignement fondamental qui couvre les neuf premières années scolaires, après la maternelle. Nous partons d'un constat : si les principaux dispositifs juridiques haïtiens véhiculent la généralisation de l'éducation et notamment sa gratuité en ce qui concerne les deux premiers cycles du fondamental, force est de constater que cette accessibilité reste théorique, la gratuité scolaire est loin d'être effective, les écarts d'âges entre les élèves y compris d'un même cycle sont considérables, sans oublier la forte domination de l'offre éducative non publique. Nous nous appuyons sur une approche méthodologique mixte qui consiste à croiser à la fois la méthode qualitative et quantitative, même s'il faut préciser que la première est utilisée en priorité, et la deuxième intervient à titre complémentaire. Notre enquête qualitative a été menée auprès de nombreux acteurs tels que des élus locaux, des directeurs d'écoles, des enseignants, des parents d'élèves à la fois dans une zone à dominance urbaine (Port-au-Prince) et rurale (Kenscoff). Ensuite, nous avons pu recueillir des données quantitatives complémentaires à travers, entre autres, les statistiques institutionnelles, les recensements scolaires, les Enquêtes démographiques et de santé (EDS) et les questionnaires que nous avons adressés aux élèves. L'ensemble de ces données nous ont permis de relever une combinaison de facteurs structurels et conjoncturels tels que la pauvreté, les infrastructures scolaires inappropriées, le manque de ressources pédagogiques, les inégalités de genre, les catastrophes naturelles, les épidémies et l'instabilité politique qui concourent à la reproduction des inégalités scolaires. Ces différents facteurs ont été aggravés par la montée en puissance des gangs armés à la suite de la dégradation des conditions de sécurité au cours des dernières années, les manifestations récurrentes dont le mouvement « pays lock » en 2019, qui s'accompagnent d'actes de violence et de la multiplication des cas d'enlèvements dit « kidnapping ». Nous pouvons également citer les conditions de transport (manque de transport en commun, bouchons, route en terre battue), la distance entre la résidence des enfants et le lieu de scolarisation qui sont autant d'obstacles d'accès à la scolarisation. Si les acteurs que nous avons interrogés évoquent l'existence de ces inégalités scolaires et mentionnent de nombreux facteurs qui semblent les favoriser, cependant, ces inégalités semblent aussi prendre place dans les représentations sociales au point qu'elles sont tolérées ou acceptées socialement comme quelque chose de l'ordre de la normalité. Nos entretiens ont permis entre autres de relever un discours fortement déterministe de la part de nombreux acteurs sur les inégalités scolaires. Des proverbes haïtiens ou expressions locales tirés des entretiens mettent en évidence ce constat. Par exemple, « chak moun kroke makout yo kote yo ka rive » ce qui signifie littéralement « à chacun selon sa capacité ». De même, l'expression en créole haïtien « Pitit Sòyèt » « fils de rien » traduit une forme de légitimation des inégalités entre les enfants au sein de la société. Aussi, les stratégies familiales de scolarisation favorisent également par les représentations sociales en vigueur le maintien des inégalités scolaires et les logiques dichotomiques, dominants/dominés, nègres en haut/en bas, riches/pauvres, lettrés/illettrés. Notre enquête et notamment nos entretiens révèlent comment les inégalités scolaires sont perçues, vécues dans la conscience collective. Si chacun souligne des inégalités d'accès à l'éducation, ils sont très peu nombreux à tenir un discours de lutte contre ces inégalités."

Educational inequalities in Haiti : the case of primary education

" This thesis examines educational inequalities in Haiti, with a particular focus on primary education, which covers the first nine years of schooling after kindergarten. Indeed, we start by observing although the main legal provisions in Haiti promote the universalization of education, including its free provision for the first two cycles of primary education, it is evident that this accessibility remains mostly theoretical. The reality is that free education is far from being fully implemented, and there are significant age disparities among students, even within the same grade, not to mention the strong dominance of non-public educational offerings. Our research employs a mixed-method approach, combining both qualitative and quantitative methods, with a primary emphasis on the qualitative approach. The quantitative method supplements the qualitative one. Our qualitative research was conducted among various stakeholders, including local elected officials, school principals, teachers, and parents of students, both in urban (Port-au-Prince) and rural (Kenscoff) areas. Subsequently, we gathered supplementary quantitative data from sources such as institutional statistics, school censuses, Demographic and Health Surveys (DHS), and questionnaires administered to students.These data allowed us to identify a combination of structural and contextual factors contributing to educational inequalities in Haiti. These factors include poverty, inadequate school infrastructure, a lack of educational resources, gender disparities, natural disasters, epidemics, and political instability. These factors have been exemplified by the rise of armed gangs due to deteriorating security conditions in recent years, recurrent protests, such as the "pays lock" movement in 2019, marked by violence and a surge in kidnapping incidents. Additionally, challenges related to transportation (lack of public transportation, traffic congestion, unpaved roads), and the distance between students' residences and their schools further hinder access to education. However, while the interviewed stakeholders acknowledge the existence of these educational inequalities and mention numerous contributing factors, these inequalities seem to be deeply ingrained in social representations to the point where they are socially tolerated or accepted as part of normalcy. Our interviews have also revealed a strong deterministic discourse among many actors regarding educational inequalities. Haitian proverbs and local expressions from these interviews highlight this observation. For example, "chak moun kroke makout yo kote yo ka rive" translates to "to each according to their ability." The Haitian Creole expression "Pitit Sòyèt," meaning "sons of nothing," reflects a form of legitimization of inequalities within society. Furthermore, family strategies for schooling inadvertently contribute to the perpetuation of educational inequalities, reinforcing dichotomous logics of dominance/subordination, the privileged/underprivileged, and the literate/illiterate. Our research, particularly our interviews, reveals how educational inequalities are perceived and experienced in the collective consciousness. While everyone acknowledges the existence of access inequalities to education, very few articulate a discourse aimed at combating these inequalities."



URL :  https://theses.hal.science/tel-04715277v1


mot(s) clé(s) :  enseignement primaire (ou école élémentaire), inégalités, petite enfance et pré-primaire (ou école maternelle)