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     Langue(s) : français 

Les adolescents et leurs pratiques de l’écriture au XXIe siècle : nouveaux pouvoirs de l’écriture ?


Auteur(s) :  Christine MONGENOT, Anne CORDIER

Editeur(s) :  Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire (INJEP)

Date :  11/2023

 

Synthèse du rapport :

L’écriture, ses pratiques et leur apprentissage réinvestissent aujourd’hui le champ du débat public1 , celuici ayant été durablement monopolisé par les problématiques concernant la lecture. Très peu de données étaient donc jusqu’ici disponibles concernant les pratiques d’écriture des adolescents contemporains trop souvent assimilés à des consommateurs passifs de contenus vidéo. Récusant cet a priori, l’association Lecture Jeunesse, qui promeut l’articulation entre lecture et écriture, a initié dès 2022 une enquête quantitative auprès de 1 500 jeunes français âgés de 14 à 18 ans2 , complétée par une enquête qualitative constituée de 50 entretiens individuels auprès de ce même public. Le présent rapport intitulé Les adolescents et leurs pratiques de l’écriture au XXIe siècle : nouveaux pouvoirs de l’écriture ? entend donc combler en partie un vide de données. L’enquête dont il est issu part d’une hypothèse qui inverse certains lieux communs sur les pratiques culturelles des adolescents : loin d’éliminer les pratiques d’écriture, la possession très répandue de téléphones portables3 , la forte activité sur internet, la constitution d’une « technoculture4 » favorisant l’autoproduction de contenus et facilitant leur diffusion, le développement d’apprentissages scripturaux dits informels car réalisés hors du cadre scolaire5 , pourraient plutôt reconfigurer la culture graphique des adolescents. Mais quelles sont exactement les formes de ce changement de régime scriptural ? Qu’en savons-nous ? Dans quelle mesure les médiateurs qui s’efforcent de promouvoir l’apprentissage de l’écrit peuvent-ils, en ayant meilleure connaissance de ces pratiques « buissonnières6 » , mettre en place des dispositifs qui s’appuient sur des motivations et des compétences « déjà là » ? La connaissance de ces nouvelles cultures de l’écrit est en effet reconnue comme essentielle pour améliorer l’éducation et la formation au sens large7

Principales orientations méthodologiques Une définition extensive de l’écriture Si la lecture fait l’objet d’une littérature de recherche nourrie, l’écriture des jeunes ne bénéficie pas de la même attention, les recherches sur ce sujet se cantonnant généralement, en France, à des écrits produits dans le cadre scolaire ou à des formats extrascolaires spécifiques (tweets, blogs…). Dans son questionnement, l’enquête a précisément choisi de ne pas cliver « pratiques scolaires » et « pratiques extrascolaires », afin de faire jouer les représentations spontanées des adolescents lorsqu’on aborde avec eux la question de l’écriture. Est donc ici considéré un large éventail de pratiques rédactionnelles, depuis celles que les adolescents identifient spontanément comme telles en citant des genres souvent légitimés comme les fictions narratives, le poème, le journal intime ou la rédaction scolaire, jusqu’à celles que les enquêtés tendent à minorer, voire à occulter parce qu’elles relèvent d’une écriture fonctionnelle, pratique ou ordinaire : sont ainsi également inclus, dans la définition de l’écriture retenue pour l’enquête, des types d’écrits aux contours plus flous, par exemple les brouillons, les posts avec légendes8 , ou les DM, 9 mais aussi les listes, ou les notes, et des écrits divers relevant plus largement de la littératie. Des terrains diversifiés et un segment d’âge particulier En croisant enquête quantitative et entretiens qualitatifs conduits dans une grande diversité de territoires français, depuis les zones rurales jusqu’aux métropoles, depuis les Hauts-de-France et la région Grand Est jusqu’à la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, cette étude vise à faire émerger un panorama des pratiques d’écriture contemporaines chez les adolescents.

La tranche d’âge retenue – 14-18 ans – correspond globalement à la scolarisation qui va de la dernière année de collège jusqu’à la fin du lycée. L’étendue du segment choisi tend à identifier des variations possibles dans les pratiques adolescentes au cours de cette période et certains facteurs explicatifs. Enfin, l’enquête touche des jeunes aux statuts très divers : scolarisés (22 % au collège, 58 % au lycée qu’il s’agisse d’établissements d’enseignement général et technologique ou professionnel, 4 % en CFA, 2 % en école de la seconde chance ou établissement relais), déjà insérés dans le monde du travail (10 %) que ce soit en premier emploi ou en stage, ou bien relevant d’une situation autre (3 %), dont des jeunes « à la maison ». Au croisement des représentations et des pratiques Le volet quantitatif de l’enquête permet d’identifier des profils de scripteurs et de décrire les modalités organisationnelles de la pratique ainsi que les fonctions attribuées à l’écriture par les adolescents. Plusieurs questionnements constituent le substrat de cette investigation : à quelles conditions les adolescents se reconnaissent-ils scripteurs ? Dans quels contextes et sous quels formats l’écriture s’organise-t-elle ? Existe-t-il des écarts sociologiques ou genrés marqués dans les pratiques ? L’écriture numérique est-elle un substitut ou un complément à l’écriture manuscrite ? Quelle est l’influence de la norme scolaire dans ces nouveaux usages ? L’expérience scolaire de l’écriture joue-t-elle positivement sur l’activité d’écriture des adolescents hors de l’école ou a-t-elle au contraire un rôle inhibant ? Comment les pratiques d’écriture s’articulent-elles enfin avec celles de la lecture ?

Notes de bas de pages :

1 Tribune collective, « M. Gabriel Attal, redonnez à l’écrit, dès l’école primaire, ses lettres de noblesse », Le Monde, septembre 2023 ; Viviane Youx, AFEF : Nous croyons aux forces de l’écriture, Le café pédagogique, septembre 2023 [en ligne].

2 Cette enquête quantitative en ligne a été conduite avec le CREDOC, sur la base d’un questionnaire co-élaboré avec un groupe de chercheurs assurant le suivi de l’enquête au sein de Lecture Jeunesse. L’enquête qualitative a été principalement conduite par Anne Cordier, professeure des universités en sciences de l’information et de la communication (laboratoire CREM-Université de Lorraine).

3 En 2022, 87 % en moyenne des 12-18 ans étaient équipés d’un smartphone, soit +3 points par rapport à 2020 (Baromètre du numérique, 2022).

4 Octobre S., 2019, « Retour sur les pratiques culturelles des jeunes. Questions à Sylvie Octobre », Le Français aujourd’hui, no 207, p. 11-18 [en ligne].

5 Cordier A., 2020, Numérique et apprentissages scolaires. Des usages juvéniles du numérique aux apprentissages hors la classe, Rapport CNESCO [en ligne].

6 Barrère A., 2011, L’éducation buissonnière. Quand les adolescents se forment par eux-mêmes, Paris, Armand Colin.

7 Voir à ce sujet les pistes concernant le plan d’action en matière d’éducation numérique, indiquées en 2018 dans la communication de la Commission au parlement européen, au conseil, au comité économique et social européen et au comité des régions (point 4.3.).

8 Post : anglicisme pour désigner un message sur un forum ou sur un blog.

9 DM : sigle de l’anglicisme « direct message », qui désigne sur les réseaux sociaux et les forums un message envoyé directement à la personne et qui n'est visible que par celle-ci, par opposition à un message public. Il s’agit donc d’un « message privé ».



Télécharger le document :  https://injep.fr/.../rapport-2023-12-Ado_ecriture.pdf


mot(s) clé(s) :  langue et littérature françaises, littératie, compétences et pratiques langagières