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Au cœur des écoles de commerce, apprendre la valeur du business


Programme source :   Entendez-vous l'éco?

Produit par :   France Culture, Aliette HOVINE

Animé par :   Aliette HOVINE

Intervenant(s) :  BLANCHARD Marianne & JACQMIN Julien

 

Alors que s'ouvrent les périodes d'oraux d'admission pour les écoles de commerce, l'occasion vient de revenir sur l'histoire de ce marché éducatif depuis sa naissance au XIXème siècle. Comment les études commerciales se sont-elles légitimées, et comment décrire la concurrence nouvelle entre écoles ?

À l’approche des premiers résultats de ParcourSup et de l’ouverture de la période des oraux pour les concours post-bac et post-prépa des écoles de commerce, des étudiants affluent dans toutes les grandes villes de France disposant d’un campus commercial. Si les étudiants en école de commerce représentaient 1% des étudiants au début des années 1970, ils en représentaient 8% en 2022 : ce chiffre témoigne bien de la popularité croissante des études commerciales, et s’inscrit dans une longue histoire de construction et de légitimation d’un nouveau modèle d’éducation supérieure.

Une légitimation progressive depuis la fin du XIXème siècle

Si l’on retient que l’ESCP (École Supérieure de Commerce de Paris), fondée en 1819, est la “première école de commerce au monde”, les écoles de commerce se sont développées en France à partir des années 1870, dans le sillon de la défaite française contre la Prusse. Au départ, pensées comme des écoles régionales devant alimenter le marché du travail local, les ESC essaiment partout sur le territoire entre la fin du XIXe et le milieu du XXᵉ siècle. Marianne Blanchard précise : "La véritable naissance des écoles de commerce en France prend racine dans la défaite française face à la Prusse en 1871. Cette défaite est interprétée comme en lien avec un manque de formation des élites techniques et commerciales françaises. Beaucoup de notables locaux de la société savante vont affirmer qu’il faut former ces élites, via des formations d’ingénieur et des formations commerciales". Ce mouvement est soutenu par un travail de fond, de la part des notables locaux et de certains hommes politiques, pour légitimer l’enseignement commercial, d’abord considéré comme un enseignement technique puis rattaché au modèle des “grandes écoles”.

Au XXème siècle, face à leur double volonté d’expansion et de prestige, les écoles de commerce ont donc accru leurs critères de sélection, ce qui s’est accompagné de la création des premières classes préparatoires commerciales. Avec la reconnaissance étatique des écoles de commerce, celles-ci ont d’abord été tentées de se regrouper (concours communs, harmonisation des épreuves, diplômes similaires) avant d’adopter, depuis le baby-boom des années 1960, des stratégies de différenciation pour faire face à l’afflux d’étudiants et à la concurrence nouvelle sur ce marché éducatif nouveau.

Entre écoles de commerce, un fort climat de concurrence

C’est ainsi à partir des années 1970 - et plus particulièrement des années 1990 - que l’on a vu apparaître les classements, qui sont désormais la pierre angulaire de la concurrence sur le “marché” des écoles de commerce. Julien Jacqmin explique : "La concurrence et les classements sont particulièrement importants au niveau des écoles de commerce en France. Cela s'illustre par la quantité de classements qui existe au niveau de la presse française (Le Figaro, L'Etudiant...). Et une des particularités des classements, c'est qu'il y a une forme de double dépendance au niveau de leur construction. Les institutions qui créent ces classements vont dépendre d'une part des informations qui vont leur être transmises par ces établissements, et d'autre part, vont aussi dépendre financièrement de ces institutions qu'elles vont classer. Et cette dépendance financière, en France, a principalement lieu d'une manière, c'est via la publicité. Cette publicité génère des revenus non négligeables pour les organes de presse à la base de ces classements qui génèrent énormément de clics et attirent beaucoup d'audience. Il y a une double dépendance qui génère un conflit d'intérêts potentiellement problématique". Les écoles cherchent en outre à se distinguer autant que possible en remplissant des critères d’internationalisation, de qualité des diplômes, d’insertion professionnelle ou de responsabilité sociale et environnementale.

Ainsi, au terme d’un long processus de légitimation, les écoles de commerce françaises sont passées d’une logique régionale à une logique nationale (voire internationale). Face à une reconnaissance de plus en plus importante de l’enseignement commercial, les écoles sont aussi incitées à revoir à la baisse leurs critères de recrutement et à diversifier leur offre de formation pour recruter sur d’autres créneaux que le simple créneau post-classe préparatoire.

Depuis la réforme de l’apprentissage en 2018, qui a favorisé le recours aux formations en alternance - devenu un critère d’attractivité, certaines écoles bénéficient aussi de subventions publiques importantes, ce qui peut poser la question de l’efficacité d’une telle mesure de politique publique pour des écoles parfois détenues par des fonds privés en recherche de rentabilité. Au total, la forme moderne prise par les écoles de commerce françaises et par le marché qui les entoure pose la question de la transparence des données disponibles, et appelle - comme le faisait déjà la Cour des Comptes en 2013 - à davantage de régulation.



URL :  https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/entendez-vous-l-eco/au-coeur-des-ecoles-de-commerce-apprendre-la-valeur-du-business-6341999


mot(s) clé(s) :  enseignement supérieur, recherche en éducation