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Pays : Suisse  Langue(s) : français 

ARCD 2023 - 6ème colloque international de l'Association pour des Recherches Comparatistes en Didactique - Les didactiques face aux évolutions des curriculums : Savoir(s) et pratiques pour entrer dans la complexité du monde


Date :  du 27-06-2023 au 30-06-2023

Appel à communications ouvert jusqu'au :  30-09-2022

Lieu :  Université de Genève

Modalité :  présentiel

Organisation :  Association pour des recherches comparatistes en didactique (ARCD)

Ces dernières années, on constate de nombreuses évolutions dans la formulation des curriculums, qui témoignent d’une exigence d’entrée de plus en plus précoce des jeunes générations dans la complexité du monde, et qui se manifestent par une porosité grandissante entre la société et l’école. Cette exigence s’affirme avec l’apparition de nouveaux modes / nouveaux objets d’apprentissages qui émergent dans les curriculums, en écho à de nouvelles attentes sociales. Dans le même temps, ces nouveaux modes / objets d’apprentissages tendent à (re)questionner la structuration disciplinaire des savoirs enseignés à l’école, et donc les modes d’acculturation des élèves à la complexité du monde.

Le 6ème Colloque international de l’ARCD se propose d’interroger les rapports entre l’école et la société sous l’angle des savoirs et des modes d’organisations de savoirs qui structurent les curriculums et les pratiques d’enseignement et d’apprentissage à l’école et dans différents espaces de formation. Ces pratiques sont entendues au sens large, dans le contexte de leur mise en œuvre, qu’il s’agisse de l’élaboration de ressources ou dispositifs pour enseigner et se former en amont de la classe (manuels, démarches d’ingénieries, etc.), du déploiement de manières de faire dans l’espace-temps de la classe (gestes d’enseignement, d’étude, modalités d’interactions, etc.), voire au-delà, dans les lieux de partenariat entre l’école et d’autres acteurs ou institutions de la société civile.

En se centrant sur les relations entre les modes d’organisation des savoirs dans les curriculums et les savoirs qui se construisent dans les pratiques didactiques effectives des acteurs du monde scolaire, ce colloque sera l’occasion de (re)penser la diversité et l’évolution des processus de transposition didactique qui président à l’entrée des jeunes générations dans un monde complexe. Il sera également l'occasion de faire le point sur les formes d’expertise développées par les sciences didactiques pour analyser et accompagner les évolutions des curriculums.



Programme : 

Appel à communications

Dans l’espace francophone, l’avènement des sciences didactiques qui apparait au tournant des années 70-80, est caractérisé par la prise en charge du caractère déterminant de la spécificité des objets de savoirs dans les pratiques d’enseignement-apprentissage. Ce mouvement s’est inscrit d’emblée dans le paysage des découpages disciplinaires des savoirs scolaires. Une caractéristique essentielle des approches didactiques de l’enseignement-apprentissage à l’école est de problématiser les rapports complexes qu’entretiennent les disciplines scolaires avec les disciplines et/ou domaines de savoirs de référence sous l’angle des processus institutionnels de transposition, ou encore des configurations disciplinaires scolaires1. La relation des didacticiens aux disciplines académiques et/ou scolaires est un marqueur identitaire de ce développement, qui contribue à légitimer les objets d’étude des didactiques, mais aussi leur pertinence dans la formation des enseignants.

Historiquement, la structuration des disciplines académiques a permis une accélération majeure dans la construction des savoirs sur le monde, dont la maîtrise demande une acculturation à des modes de pensée, discours et formes d’action au-delà des besoins du fonctionnement du quotidien, voire en rupture avec ce fonctionnement. Corollairement, la mise en place des politiques d’instruction publique obligatoire dans les pays occidentaux a vu l’émergence de la disciplinarisation des savoirs à enseigner dans les écoles, émergence qui se manifeste notamment par l’élaboration d’outils didactiques spécifiques tels que les manuels scolaires, mais aussi par les structures de formation des enseignants2. Dans les pays francophones (et d’Europe centrale), la structuration des savoirs en termes de disciplines scolaires dont les contours s'affinent progressivement au fil de la scolarité, domine les programmes, les manières d’enseigner et les représentations du fonctionnement du monde scolaire en général. Les atouts des disciplines scolaires, comme mode d’accès à la conceptualisation et généralisation d’outils de pensée, comme gage d’efficacité dans la gestion de la progression des apprentissages, mais aussi comme moyen de se prémunir contre les dérives idéologiques du façonnement des comportements et des opinions, sont souvent rappelés face aux injonctions à « l’interdisciplinarité » ou aux pédagogies dites « alternatives » faisant la part belle à certaines conceptions de l’autonomie de l’enfant.

Cependant, du côté des systèmes éducatifs, on constate différentes évolutions qui tendent à (re)questionner la structuration disciplinaire des savoirs à l’école. Ces évolutions se manifestent le plus souvent par un changement de « code des savoirs scolaires »3, c’est à dire le passage du « code sériel » (à forte compartimentation entre les matières, les disciplines ou les unités d'enseignement) au « code intégré », qui présente une plus forte porosité entre les disciplines. Parmi ces évolutions, on peut citer notamment :

- l’intégration d’objets d’enseignement à la croisée de différentes disciplines tels que la démarche d’investigation pour les disciplines scientifiques, la pensée critique dans les disciplines des sciences sociales, le traitement de « questions complexes » et les techniques d’argumentation dans des disciplines aussi différentes que les sciences, la littérature, l’histoire, la philosophie ou encore la créativité censée traverser presque toutes les disciplines, au-delà des disciplines artistiques et techniques ;

- la mise en valeur d’objets génériques liés aux relations humaines ou « capacités transversales », qui s’expriment parfois en termes de « soft skills » dans le monde du travail, tels que la collaboration, la communication, l’autonomie, le jugement et la prise de décision, etc. ;

- l’émergence de domaines multi-référencés, à la croisée de plusieurs disciplines scolaires tels que les « éducations » au développement durable, à la santé, à la citoyenneté, aux médias, à la diversité, l'éducation artistique et culturelle, etc. ;

- l’apparition de modes de communication soutenus par des technologies numériques, tels que les textes composites, les échanges sur forums, capsules audio/vidéos, etc. qui percolent dans toutes les disciplines scolaires ;

- le développement d’espaces de médiation des savoirs faisant l’objet de partenariats entre l’école et des acteurs de la société civile (musées, associations, organisations scientifiques, etc.).

Du point de vue des systèmes éducatifs, ces évolutions sont censées induire une acculturation « plus directe » des élèves aux préoccupations qui traversent la société. En filigrane, il y a l’idée que ces nouveaux besoins d’apprentissages ne semblent pas satisfaits par la maitrise des seuls savoirs disciplinaires. Pour les enseignants, ces évolutions apparaissent souvent en tension avec la définition des objets à enseigner structurés par des domaines disciplinaires, tensions qui se répercutent sur les attentes à l’égard de la formation des enseignants, et interrogent de facto les démarches et dispositifs didactiques qui y sont proposés.

De fait, différents domaines de savoir sont nécessairement mobilisés quand il s’agit de décrire et comprendre la plupart des phénomènes naturels et sociaux qui nous entourent. Du point de vue des apprenants, peut-on miser sur un transfert des connaissances sur le monde, cumulées dans les différentes disciplines scolaires pour traiter des questions complexes du monde, qui jalonneront leurs prises de décisions en tant que citoyens ? Si ce n’est pas le cas, quelle est alors la fonction de l’organisation disciplinaire des savoirs enseignés à l’école ? Quels sont les effets potentiels ou avérés d’un effacement de cette structuration au profit d’une plus grande porosité entre les disciplines ? Ces questions, qui existent en toile de fond de la construction des sciences didactiques depuis plusieurs décennies, prennent une importance nouvelle à la lumière des évolutions actuelles des curriculums.

Par ailleurs, du côté de la recherche en éducation, et de certaines recherches en didactique(s), des voix s’élèvent pour appeler à un « changement de paradigme », à de « nouvelles formes scolaires » qui (ré)interrogent plus ou moins explicitement la logique disciplinaire d’exposition des savoirs scolaires, pour faire valoir des démarches d’enquête et de mise à l’étude dans le cadre d’un « vrai » questionnement du monde. A travers ces appels au changement, on perçoit qu’il ne s’agit plus seulement de se questionner sur les savoirs nécessaires aux futurs citoyens, et sur les conditions optimales de leur apprentissage par le plus grand nombre, mais encore de spécifier ce second point en réinterrogeant les conditions suivant lesquelles ces savoirs devraient être rencontrés afin que leurs domaines de pertinence fassent partie intégrante de l’apprentissage.

Il semble donc important de sortir des positionnements traditionnels en termes de « pour » ou « contre » l’organisation « disciplinaire » versus « interdisciplinaire » des savoirs scolaires, afin d’interroger les zones de pertinence de différents modèles d’organisation des savoirs dans les curriculums. Cette interrogation convoque à la fois les nécessités épistémologiques de la transmission ou (re)construction des savoirs en jeu, mais aussi les contraintes et les possibles qui pèsent sur les interactions entre les acteurs et les objets dans les systèmes didactiques.

Axes de travail

Ce colloque se propose donc de questionner l’articulation entre les savoirs et l’organisation des savoirs dans les curriculums d’une part, et les pratiques d’enseignement-apprentissage d’autre part. En considérant que ces pratiques fondent le sens des savoirs qui sont appris à l’école, il appelle à engager une réflexion comparatiste selon trois axes :

Axe 1) Les formes d’acculturation et de socialisation liées à l’organisation disciplinaire des savoirs dans les curriculums. A quelles nécessités cognitives, sociales ou culturelles ces modes d’organisation des savoirs répondent-ils du point de vue des apprentissages visés ?  Quels systèmes de normes et valeurs sont véhiculés ? Quels sont les potentiels d’émancipation possibles à partir des formes d’assujettissement portées par les disciplines scolaires ? Quelles sont aussi les limites de cette forme d’organisation des savoirs ? Quel est l’impact des modes d’organisation disciplinaires des savoirs sur la réduction ou le renforcement des inégalités scolaires ? Cet axe interroge la fonction des modes d’organisation disciplinaire des savoirs scolaires dans les conditions d’accès à des cultures partagées pour appréhender la complexité du monde.

Axe 2) La place des objets, domaines et pratiques émergentes dans les curriculums et dans les pratiques éducatives. Comment des objets tels que la démarche d’investigation, le développement de l’esprit critique, de la pensée créatrice, le traitement de questions complexes, les éducations à, les modes de communication numérique, les capacités transversales, etc. vivent-ils dans l’écologie des disciplines scolaires, et en référence à quelles pratiques sociales ? Quelles porosités impliquent-ils dans la construction des curriculums ? Comment ces objets sont-ils rendus opératoires dans les dispositifs d’enseignement ? Quelles tensions ou difficultés émergent dans les situations d’enseignement – apprentissages du point de vue des enseignant·es ? Du point de vue des élèves ? Cet axe interroge les pratiques d’enseignement - apprentissage au sens large qui existent, se créent ou se reconfigurent en regard des attentes sociales qui s’expriment dans l’évolution des curriculums.

Axe 3) Les pratiques enseignantes et la formation des enseignant·es en regard des modes d’organisation des savoirs et des évolutions curriculaires. Comment les pratiques d’enseignement sont-elles marquées par les modes de structuration disciplinaires des savoirs adoptés dans les curriculums ? Quels dispositifs de formation pour répondre aux injonctions institutionnelles concernant le traitement des objets émergents / questions complexes dans les curriculums ? Quelles différences entre les besoins des enseignant·es non spécialistes, versus spécialistes d’une discipline ? Quelles tensions avec les cloisonnements des parcours académiques existants fondés sur une structuration disciplinaire ? Cet axe interroge les formes de professionnalité développées (ou à développer) par les enseignants et les différents acteurs de l’éducation face à l’évolution des curriculums.

Dans le traitement de ces axes, une attention sera portée aux cadres conceptuels qui permettent de penser ensemble les rapports entre savoirs, structures des savoirs et pratiques d’enseignement-apprentissage, mais également aux outils méthodologiques qui permettent de produire des constats avérés de ces rapports, à partir de l’étude des pratiques éducatives. Les communications proposées contribueront au dialogue entre approches didactiques de l’analyse des curriculums et des pratiques éducatives, que ce soit depuis le point de vue de différentes didactiques disciplinaires ou de différentes perspectives épistémologiques. Les comparaisons de pratiques entre différents contextes institutionnels en regard des organisations des savoirs qui caractérisent ces contextes seront également privilégiées. L’axe 3, portant sur les formes de professionnalité des enseignant.es pourra plus particulièrement accueillir des propositions de communications d’enseignant·es engagé·es dans des recherches de type participatives ou coopératives.



URL :  https://arcd2023.sciencesconf.org/.../


mot(s) clé(s) :  curriculum et programmes d'enseignement, didactiques disciplinaires