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Pays : France  Langue(s) : français 

Les transformations de l'action publique en matière de formation professionnelle des personnes éloignées de l'emploi : le cas du plan d'investissement dans les compétences - Journées d'études


Date :  du 10-10-2023 au 11-10-2023

Appel à communications ouvert jusqu'au :  31-05-2023

Lieu :  MSH de Nantes

Modalité :  présentiel

Organisation : 


Programme : 

En novembre 2017, Estelle Sauvat est nommée Haut-Commissaire à la transformation des compétences auprès de la ministre du travail de l’époque, Muriel Pénicaud. Elle va initier un vaste plan d’action publique, le Plan d’investissement dans les compétences, pour la période 2018-2022, doté de 15 milliards d’euros. Élaboré en période de décroissance du chômage, il s’éloigne d’une politique de work first et vise à renforcer les compétences des publics considérés comme les plus fragiles ou les plus éloignés de l’emploi, dans une logique de la formation « aux marges de l’emploi » (Chabbert, Rey et Tuchszirer, 2022). Désigné en tant que tel, ce programme repose sur un modèle de la formation par compétences, en identifiant les savoirs et savoir-faire assurant une sécurisation des parcours professionnels. Il cible les personnes a priori éloignées de la formation, soit qu’elles aient quitté le système éducatif sans qualification, soit qu’elles ne trouvent pas leur place en formation continue. De ce fait, l’accent est mis sur l’individualisation et l’accompagnement personnalisé. Trois grands objectifs structurent l’ensemble du plan : former deux millions de personnes éloignées de l’emploi (chômeurs, jeunes sans qualification) ; répondre aux besoins des entreprises en contribuant à la transformation des compétences, notamment dans le domaine du numérique, mais également dans les métiers dits en tension ; innover et expérimenter dans le cadre d’appels à projet. Le plan peut se décliner sous la forme d’actions nationales, comme par exemple la plateforme Pix visant à développer les compétences numériques des demandeurs d’emploi et des jeunes en insertion, d’appels à projets par expérimentations comme par exemple pour l’intégration professionnelle des réfugiés, ou encore par des appels à projets régionaux, dans le cadre des pactes régionaux d’investissement dans les compétences (PRIC), sur la base de conventions entre État et Régions qui, outre les objectifs généraux cités plus haut, visent à transformer les systèmes de formation professionnelle. Expérimentation, innovation et évaluation constituent donc les caractéristiques d’une politique inspirée par le new public management, en rupture avec une action centralisatrice et bureaucratique. Bien que les actions entreprises aient été freinées par la crise sanitaire de 2020-21, une grande diversité d’actions ont été menées, auxquelles des équipes de recherche ont été associées notamment en tant qu’évaluateurs (Bucher et al., 2021 ; Crovella et al., 2021 ; Ayala et al., 2022 ; Farvaque, 2022 ; Bernard et al., 2022).

L’objectif de cet appel à contribution est de mutualiser et mettre en débat les résultats de recherche qui se dégagent près de cinq ans après le lancement du PIC. Sont attendues les communications qui interrogent les différents aspects des dispositifs financés dans le cadre du PIC ou des PRIC : leur construction, leurs objectifs, leurs modalités de mise en œuvre, leurs effets tant sur les bénéficiaires que sur les professionnels des structures de formation, ainsi que les analyses des nouvelles formes d’action publique que ce programme développe. Au-delà de ces attentes générales, deux axes seront privilégiés lors de la journée d’étude : d’une part la façon dont les acteurs de la formation continue se sont emparés du plan au niveau national, ou des pactes au niveau territorial, d’autre part le cas spécifique des dispositifs intégrés, présentés par les promoteurs des PRIC comme une innovation majeure de l’offre de formation en direction des personnes éloignées de l’emploi, et leurs effets sur les bénéficiaires.

Axe 1 : Les acteurs des parcours de formation

Le PIC et les PRIC entraînent la mobilisation d’un écosystème d’acteurs : les prescripteurs, orienteurs, organismes de formation ou encore les structures d’insertion. Le PIC vise « à faire évoluer un système complexe » en développant la « logique de parcours » et en renforçant la coordination des différents acteurs. Un premier axe vise ainsi à s’interroger sur les transformations impulsées par le PIC et les PRIC dans les pratiques des différents acteurs impliqués, leur professionnalisation ainsi que leur nouveau mode de structuration.

1. Le PIC et les PRIC s’inscrivent dans les nouvelles conceptions de l’action publique : une certaine décentralisation, des expérimentations innovantes, l’évaluation de leurs résultats. Les travaux empiriques réalisés permettent d’approfondir les questionnements portant sur ces politiques. Comment les acteurs régionaux se sont-ils saisis des possibilités offertes par les PRIC ? Quels acteurs ont joué un rôle dans le passage de l’impulsion étatique aux mises en œuvre régionales ? Le fait que plusieurs collectivités régionales se soient saisies du programme permet d’envisager des démarches comparatives. Elles permettraient notamment d’interroger le lien entre caractéristiques locales du système d’emploi et choix politiques en matière de formation. Le PIC et les PRIC ont été accompagnés par des procédures d’évaluations quantitative et qualitative. Comment ces évaluations ont-elles été construites ? Comment ont-elles été reçues, et, finalement, quels en ont été les effets ? En effet la dimension expérimentale du dispositif suppose que les résultats obtenus impulsent une véritable politique fondée sur la preuve (evidence based policy). Qu’en est-il vraiment ? Dans quelle mesure la poursuite, la généralisation ou l’arrêt d’un dispositif expérimental sont-ils déterminés par des procédures évaluatives ?

2. Pour attirer de nouveaux publics et les inviter à s’inscrire dans ces dispositifs, le service public pour l’emploi (Pôle Emploi, Mission Locale, CAP Emploi, DREETS...) et les structures d’insertion cherchent à renouveler les modes de repérage des publics dits éloignés de l’emploi et de la formation (initiale et continue) et non ou mal connus, aussi appelés les invisibles. Les techniques comme celles du « aller vers » peuvent être alors employées. Également, les professionnels de l’insertion peuvent s’appuyer sur un spectre élargi de prescripteurs et de tiers-lieux. Quels sont donc ces « nouveaux acteurs » participant à l’identification et à l’orientation des publics ciblés, notamment les publics dits « éloignés de l’emploi », « publics PIC » et « les invisibles » ? Comment ces acteurs sont-ils eux- mêmes abordés ? Et en quoi peuvent-ils désormais constituer des personnes et espaces ressources ?

3. Un des objectifs du PIC vise « la transformation des pratiques pédagogiques des organismes de formation » et « la rénovation des pratiques pédagogiques des opérateurs ». Ces nouvelles pratiques mettent l’accent sur une plus grande individualisation des parcours ainsi que l’usage de nouveaux outils notamment numériques. Il s’agit d’abord, d’analyser quelles ont été les traductions et appropriations de ces pratiques par les organismes de formation. Ces pratiques ont- elles été intégrées au sein de pratiques déjà préexistantes ou a-t-on assisté à une réelle transformation de pratique de la part des organismes de formation ? Une diversité d’organismes de formation sont parties prenantes au sein des dispositifs ; nous pouvons, par exemple, supposer des différences de pratiques selon l’historique, la culture professionnelle et l’ancrage territorial des organismes de formation. L’innovation des pratiques pédagogiques de formation pourrait également être interrogée. Le PIC incite au développement des outils numériques dans les formations. L’usage du numérique est-il source de nouvelles pratiques ? d’innovation pédagogique ? (Bureau, Tuchszirer, 2022).

4. Deux autres objectifs sont en bonne place dans le PIC : la « mise en place de parcours itératifs (articulation de phase formative et de phase d’expérimentation par le travail) et mise en place des parcours certifiants. » ainsi que « Mieux répondre aux besoins de compétences des entreprises et plus rapidement » (Objectif 3 et 4 dans Ayala et al., 2022). Pour éviter les décrochages entre différents dispositifs notamment ceux pouvant se produire entre un dispositif de préqualification et une formation qualifiante, la notion de parcours notamment de parcours intégrés (voir Axe 2) est centrale. Ces parcours dits aussi « sans rupture, sans couture » sont voulus pour que des ponts soient jetés entre différentes structures susceptibles d’intervenir dans ce parcours (comme l’AFPA ou le GRETA par exemple). Des systèmes d’interconnaissances déjà existants ou l’établissement de nouveaux partenariats peuvent aussi soutenir ces transitions afin d’éviter les sorties de route. Ce passage de relais nécessite une connaissance mutuelle préalable et a minima, puis une orchestration et une synchronisation de ces différents acteurs et de leurs calendriers. Comment se réalisent cette mise en réseau et la collaboration d’acteurs aux identités et cultures souvent différentes et potentiellement en concurrence ? Également, quels rapports les responsables de structures et les formateurs entretiennent-ils avec les entreprises et de manière générale avec les acteurs économiques du territoire ?

5. La redéfinition et l’évolution des missions des formateurs au sein de ces dispositifs pourraient être également questionnées. L’accompagnement de publics souvent fragiles rend les frontières plus poreuses entre les missions de formation, d’insertion et d’accompagnement social pour les formateurs. Ces dispositifs placent alors l’accompagnement au centre du développement des compétences (Farvaque, 2022). La mixité du profil des bénéficiaires ne risque-t-il pas de conduire les formateurs à une « individualisation de leur pratique et un travail en réseau » (Boanca-Deicu, 2016) qui leur fasse perdre une vision d’ensemble des modes d’intervention auprès des demandeurs d’emploi ? Ces dispositifs vont-ils amener à une évolution de la professionnalisation et de l’identité professionnelle des formateurs ? Les différentes missions des formateurs sont-elles appréhendées de la même manière selon leurs parcours de formation et professionnel ? Quelles sont les implications au niveau de l’organisation des équipes de formateurs ? De leurs statut et conditions de travail ?

6. La pérennité de ces dispositifs et des transformations impulsées dans les pratiques des acteurs de la formation continue pourrait être discutée. Comment ces dispositifs à l’état d’expérimentation au départ ont trouvé leur place au sein de l’offre importante de dispositifs en lien avec les politiques de l’emploi ? Des formes de concurrence ont-elles pu être observées ? La mise en réseau des organismes de formation et des acteurs de l’insertion reconfigure-t-elle la structuration de l’offre de formation pour les demandeurs d’emploi sur un territoire ? Quelles implications pour les acteurs de la formation à long terme en termes de ressources humaines et financières dans un contexte de libéralisation de la formation ?

Axe 2 : Les effets des « Parcours ou Dispositifs intégrés » sur les bénéficiaires

Les termes de « Parcours intégrés » ou de « Dispositifs intégrés » rencontrent un certain succès actuellement dans les politiques de l’emploi et de la formation professionnelle, notamment dans les « formations à l’insertion » (Boanca-Deicu, 2016) proposées aux demandeurs d’emploi peu qualifiés et en difficulté sur le marché du travail. Par exemple, cette notion d’intégration des parcours a été pensée comme une plus-value, un enrichissement, un aspect innovant du Prépa Rebond dispositif intégré mis en place dans le cadre du PRIC Pays de la Loire. Bien qu’en apparence récent, le fonctionnement en dispositif « intégré » est pourtant déjà bien ancré dans le domaine de la prise en charge du handicap, dans l’intitulé de formations d’ingénieurs ou associé à la préparation de métiers, titres professionnels ou CQP dans les domaines de la restauration, de l’hôtellerie, des soins infirmiers, de l’assistance de vie aux familles...

Cette dimension « intégrée » des parcours ou des dispositifs d’éducation ou de formation renvoie à deux idées : celle de passerelle entre deux dispositifs et celle de sécurisation des trajectoires.
Que produit alors cette forme « intégrée » d’encadrement des publics dits éloignés de l’emploi sur leurs parcours ? Parvient-elle à contenir les risques de décrochage à l’intérieur et entre deux dispositifs ? Et si oui, quelles retombées peuvent être repérées sur les trajectoires des bénéficiaires ? Ce premier faisceau de questions en amène plusieurs autres :

1. Ces parcours intégrés s’adressent en général à la catégorie dite des chômeurs « très éloignés de l’emploi » et des moins qualifiés d’entre eux. L’emploi de cette dénomination induit l’idée d’une homogénéité de ce public mais cache aussi des disparités sociales à l’intérieur de ce groupe, en termes d’âge, de sexe, d’expériences professionnelles passées... Les caractéristiques des stagiaires peuvent varier en fonction des territoires, des spécificités de la zone d’emploi, de la démographie régionale, entre zones rurales et urbaines. Quels sont les publics qui s’inscrivent dans ces parcours ? Correspondent-ils aux chômeurs réellement ciblés ou bien sont privilégiés ceux présentant les plus faibles risques de décrochage et les plus fortes chances de « sorties positives» du dispositif ? Ceci interroge le « qui » est recruté et « comment » ? Sur quels critères ? Et dans ce processus, l’implication des prescripteurs joue-t-elle sur le profil des personnes recrutées ?

2. Dans ces parcours « sans rupture, sans couture » vers l’emploi ou la formation, le projet occupe toujours une place importante. L’accompagnement à la construction de celui-ci est aussi souvent celui d’un travail de « deuil des grands métiers » (Zunigo, 2010), c’est-à-dire de redéfinition des projets considérés comme inadéquats ou inappropriés au regard du profil du stagiaire. Par ailleurs, ce travail d’accompagnement à l’insertion ne peut être détaché du contexte local et de la connaissance de secteurs d’activités « qui recrutent » ou des tensions sur certains métiers. Entre la prise en compte des aspirations professionnelles des stagiaires et celle des réalités socio-économiques du marché de travail local, comment les professionnels de la formation et d’insertion arbitrent-ils ?

3. Le temps et l’argent de cet accompagnement renforcé sont aussi à interroger. L’idée de sécurisation des parcours embarque avec elle l’idée d’une sécurisation financière de ceux-ci. Une « bonne » indemnisation reçue peut représenter un moteur pour entrer dans le dispositif et s’y maintenir alors qu’un niveau de rémunération trop faible peut être matière à désertion pour prendre un emploi plus rémunérateur. Le temps est aussi pensé comme un moyen de consolider et d’assurer au long cours le travail d’accompagnement mais quand celui-ci s’étire au point d’éloigner les possibilités de retour à l’emploi, il peut être démobilisateur. Quelle durée et quel niveau de rémunération peuvent constituer des filets de sécurité suffisants pour garantir le maintien dans un dispositif ? Les montants de financement et temporalités doivent-ils être identiques ou à différencier en fonction de certains critères ou caractéristiques des publics comme leur âge, leur niveau d’autonomie financière notamment ?

4. L’accompagnement aussi bien dans sa forme que dans son contenu, est fortement investi. Les parcours ou dispositifs intégrés conduisent à un renforcement du suivi par les professionnels de l’insertion pensé comme multidimensionnel, global afin de limiter ou contenir « les occasions de renoncement, d’abandon ou de retour vers l’emploi précaire et non qualifié des stagiaires » (Bernard et al., 2022). Outre un accompagnement professionnel et pédagogique, il peut être assorti d’un accompagnement social visant à « lever les freins périphériques à l’emploi ». Quelles retombées produit cet accompagnement multidimensionnel sur le parcours des publics accueillis ? Et quelles sont les différentes formes de réceptions de celui-ci ? Celles-ci sont-elles variables en fonction des caractéristiques et trajectoires des stagiaires ?

5. Ces dispositifs intégrés sont attendus pour augmenter les chances d’accès à l’emploi et à la formation professionnelle des personnes qui en sont les plus éloignées. Souvent à l’état d’expérimentation, leurs effets sur leurs parcours font donc le plus souvent l’objet d’évaluations de nature quantitative mais aussi qualitative. Que nous apprennent celles-ci sur le devenir des bénéficiaires à la sortie du dispositif mais aussi à moyen et plus long terme ? Dans quelle mesure ces parcours intégrés permettent-ils d’augmenter les chances d’accès à l’emploi notamment stable ou à la formation notamment qualifiante ? Et dans le processus d’insertion, quel rôle ont pu jouer les stages ? Très valorisés par les bénéficiaires qui y voient le moyen de se rapprocher du monde de l’entreprise et d’apprendre « par corps » (Bernard et al., 2022, p. 100-101) et moins « par cœur », quels effets ont-ils en termes d’aide à l’orientation professionnelle et à l’insertion dans l’emploi ? Mais les effets de l’accompagnement ne se mesurent pas qu’au taux d’insertion professionnelle. En quoi un parcours intégré permet-il aussi d’améliorer l’accès à des droits sociaux ou le recours à des soins, ou encore une revalorisation personnelle ou bien la prise de conscience de problèmes financiers ou de santé ?


Modalités de l'appel à contributions

Les propositions de communication sont à adresser avant le 31 mai 2023 sous la forme d’un texte de 5000 signes.

La première page comprendra le titre de la communication proposée, le nom du (des) auteur(s) et leurs coordonnées (prénom, nom, appartenance, adresse postale, téléphone, email).

La proposition devra mentionner l’axe choisi, une problématique, la méthodologie retenue, les données et matériaux exploités, ainsi que les résultats attendus, sans omettre quelques références bibliographiques.

 



URL :  https://politpubl2023.sciencesconf.org/.../


mot(s) clé(s) :  alphabétisation et éducation des adultes, politiques éducatives