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Pays : France 

Violences ordinaires dans les organisations académiques


Date :  du 01-06-2022 au 30-06-2022

Appel à communications ouvert jusqu'au :  15-09-2021

Lieu :  Université de Paris

Modalité :  présentiel

Organisation :  Centre de recherche sur les liens sociaux (CERLIS) - Laboratoire du changement social et politique (LCSP)

Le colloque est organisé par Florence Giust-Desprairies, Aurélie Jeantet, Stéphane Le Lay, Pierre Lénel, Emmanuelle Savignac et Delphine Serre.

Il est planifié pour juin 2022, la date exacte restant à préciser.

Depuis ces quinze dernières années, l’enseignement supérieur et la recherche ont été profondément bouleversés par toute une série de réformes qui induisent pression psychique et dégradation des conditions de travail et font émerger de plus en plus régulièrement la question de la souffrance au travail. À celles-ci s’ajoutent désormais des attaques, internes ou externes au champ académique, contre certaines disciplines et certains travaux suspectés d’être disculpants, politisés, voire contraires aux valeurs de la République. Cependant, il serait partiel de lier exclusivement la question de la souffrance des personnels de la recherche et de l’enseignement supérieur à des causes exogènes. Les rapports de domination entre les statuts, les corps et les disciplines constituent une clé d’entrée pour comprendre la spécificité des types de violence dans les organisations universitaires et académiques et leur analyse est ancienne.



Programme : 

Argument

Depuis ces quinze dernières années, l’enseignement supérieur et la recherche ont été profondément bouleversés par toute une série de réformes, depuis la loi LRU (Liberté et responsabilité des universités) en 2007 jusqu’à la Loi de programmation de la recherche votée en 2020. Fusions, précarisation, raréfaction des postes, managérialisation, sous-traitance de certains services ou certaines activités, multiplication des instances d’évaluation (des établissements, des formations, des professionnel·les comme des équipes), etc. induisent pression psychique et dégradation des conditions de travail et font émerger de plus en plus régulièrement la question de la souffrance au travail (Le Lay, 2012). Dans les établissements, apparaît la nécessité de prévenir les « risques psychosociaux » suite à un accord cadre de prévention dans la fonction publique. Les critiques récurrentes à l’encontre d’enseignants-chercheurs et d’enseignantes-chercheuses supposé.es déconnecté.es du monde réel dans leurs enseignements (en inadéquation avec le marché du travail), et dans leurs recherches (trop peu en prises avec les « défis sociétaux » et la « demande sociale ») sont régulières. À celles-ci s’ajoutent désormais des attaques, internes ou externes au champ académique, contre certaines disciplines et certains travaux suspectés d’être disculpants, politisés, voire contraires aux valeurs de la République. L’université et la liberté consubstantielle à ses activités intellectuelles – l’indépendance des chercheur·es et enseignant.es-chercheur.es étant inscrite dans la loi – semblent mises à mal de manière plurielle par manque de moyens, mise au pas organisationnelle et condamnation morale. Si des travaux analysent les effets de ces réformes libérales sur le travail des enseignant.es-chercheur.es et chercheur.es (Darbus et Jedlicki, 2014 ; Faure et al., 2005), ils sont bien plus rares, voire inexistants, sur les conditions de travail des personnels administratifs ou techniques de l’ESR (Flot, 2014 ; Le Lay, 2014) ou sur ceux et celles exerçant à l’université en sous-traitance.

Cependant, il serait partiel de lier exclusivement la question de la souffrance des personnels de la recherche et de l’enseignement supérieur à des causes exogènes. Les rapports de domination entre les statuts, les corps et les disciplines constituent une clé d’entrée pour comprendre la spécificité des types de violence dans les organisations universitaires et académiques et leur analyse est ancienne (Bourdieu, 1984). Plus récemment, quelques auteur.es ont renouvelé la perspective en s’emparant de la question des violences sexistes et sexuelles à l’université (Albenga et Dagorn, 2019 ; Cromer et Hamel, 2014 ; Dutoya, Kiani, Le Renard, Prieur et Vörös, 2019 ; Hamel, 2008), des discriminations sexuelles à l’encontre des femmes dans les milieux académiques (Rogers et Molinier, 2016), des conditions de travail des précaires (P.É.C.R.E.S, 2011 ; Soulié, 1996 ; Tasset, 2015), et de la question des inégalités de statuts entre doctorant.es et de leur solitude (Erlich et Boursier, 2000 ; Pourmir, 1998 ; Serre, 2015). Les effets de l’imbrication de multiples modes de hiérarchies et de légitimités (bureaucratique, scientifique, symbolique, de classe, de genre, de race, etc.) ne sont en revanche pas analysés.

Qu’en est-il du quotidien bouleversé de ces organisations en transformation et de celles et ceux qui y travaillent : personnels enseignants, administratifs et des bibliothèques, comme chercheur.es ? A fortiori dans le contexte de crise sanitaire lié à la Covid 19 ? Comment cela se traduit-il sur le plan des décisions, des dispositifs, des activités, des interactions et des subjectivités ? C’est cette attention aux « violences ordinaires » dans les institutions académiques qui sera au centre du colloque. Par violence ordinaire nous entendons tout type de contrainte verbale, morale, psychologique ou symbolique exercée sur les corps au travail et ressentie comme telle par celles et ceux qui les vivent (et qui essaient – ou non – de s’en défendre). Quelle que soit la forme de ces violences, il s’agira de les relier à des rapports de domination et d’interroger leur inscription – et la nature de cette inscription – dans des configurations organisationnelles ou des structures sociales ou culturelles propres à l’enseignement supérieur et la recherche.

Axes thématiques

- Axe 1 : Modalités de la violence ordinaire dans l’ESR

Invitant à en repérer la diversité mais aussi la dimension systémique, ce colloque propose dans ce premier axe d’analyser la polymorphie des formes de violence dans la recherche et l’enseignement supérieur : précarité et sous-traitance, réformes de l’ESR et rationalisation du travail universitaire, violences sexistes, accroissement de la compétition entre équipes et projet, etc.

Dans quelle mesure la division du travail au sein des organisations académiques est-elle productrice de souffrance au travail, voire de formes de violence ? Peut-on parler de maltraitance institutionnelle, et le cas échéant quelles en sont les formes et qui en sont les destinataires ? Ces formes de violences ordinaires pourront être examinées dans leur dimension transversale, lorsqu’elles affectent différentes catégories de personnels (chercheur.es et enseignant.es-chercheur.es, doctorant.es, personnels administratifs, techniques, etc.), ou dans leur spécificité. Quelles sont par exemple les stratégies et idéologies défensives liées aux cultures de métier ? Comment les inégalités et discriminations entre doté.es et sous-doté.es se jouent-elles ? De quelles manières se reproduisent et s’activent-elles, dans des contextes où la hiérarchie bureaucratique peut ou non se superposer aux formes de domination ? En quoi ces inégalités permettent-elles ou non de révéler des formes de mépris plus ou moins visibles (qui peuvent aller de la délégation systématique du « sale boulot » à l’invisibilisation ou l’appropriation du travail d’autrui) ? Les questions de la diversité des personnels, des statuts, des configurations institutionnelles et territoriales, et de leurs effets sur le rapport au travail pourront être explorées.

Comment les métiers et les activités sont-ils transformés par les politiques contemporaines du travail d’enseignement et de recherche ? L’attention à la dimension temporelle (Ait Ali et Rouch, 2013 ; Gastaldi et Lanciano-Morandat, 2017) indique souvent un débordement du travail dans le hors-travail, un brouillage des frontières et un risque d’épuisement et de burn out. Plus largement, le sens du travail, le rapport aux collègues et aux étudiant.es s’en trouvent atteint.es, avec des répercussions sur la vie privée et sur la santé.

Enfin, comment ces violences ordinaires sont-elles vécues et s’articulent-elles aux modes d’engagement positifs au travail qui peuvent conduire à leur euphémisation ou invisibilisation ?

- Axe 2 : Dispositifs et acteurs de régulation de la violence

Nombre d’actrices et d’acteurs de terrain sont pourtant en première ligne et certain.es particulièrement actif.ves pour lutter contre les violences et réguler les dérives et ceci bien au-delà de commissions disciplinaires dont il faudrait pouvoir analyser le fonctionnement : préventeur.rices, médecins du travail, représentant.es du personnel siégeant ou non dans les CHSCT, associations féministes et de personnels précaires, sans oublier les juristes, certain.es cadres administratif.ves et personnes en responsabilité dans les composantes et les laboratoires.

Cet axe invite à analyser ce qui est constaté, agi… ou laissé de côté dans les établissements de l’ESR vis-à-vis de ces violences. Quel rôle jouent les équipes présidentielles et l’administration ? Quelle place est faite à la prévention dans les statuts, les actions et les moyens ? Quelles initiatives et coopérations sont inventées dans les marges des dispositifs institutionnels ? Quels leviers et quelles sources d’impuissance vivent ces actrices et acteurs de terrain ?

Ce colloque a pour objectif de donner une bonne place, à côté de la présentation de recherches et d’études empiriques, aux témoignages et aux analyses d’acteurs et d’actrices agissant contre ces violences ordinaires. Des propositions émanant de tous les personnels de l’ESR (centres de recherche, universités, écoles du supérieur…) sont donc attendues.



URL :  https://calenda.org/.../883110


mot(s) clé(s) :  enseignement supérieur, violence