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     Langue(s) : français 

Rapport d’information fait au nom de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes sur les stéréotypes de genre


Auteur(s) :  Gaël Le Bohec et Karine Lebon

Editeur(s) :  Assemblée nationale

Date :  10/2021

 

Le rapport constate un fort enracinement des représentations erronées sur la nature des filles et des garçons, puis des femmes et des hommes, portant sur leurs traits de personnalité, leurs compétences respectives, le comportement que l’on attend d’eux en fonction de leur sexe, ainsi que le rôle qui leur est assigné au sein de la sphère familiale, professionnelle et sociétale. Cette différenciation des sexes, profondément ancrée dans les esprits, se traduit par une échelle de valeurs où les caractéristiques attribuées au sexe féminin sont systématiquement dévalorisées par rapport à celles attribuées au sexe masculin, créant ainsi une hiérarchie entre les sexes qui ouvre la porte aux violences et aux inégalités.

Au fil de nombreuses auditions, les rapporteurs constatent qu’une lutte efficace contre ces stéréotypes nécessite un continuum d’actions, se complétant et se renforçant entre elles, menées tout au long de la construction de la personnalité de l’enfant et de l’adolescent, aux différents niveaux d’interaction que sont la famille, l’école, les activités extrascolaires.

Ce rapport sur les stéréotypes de genre dans la sphère éducative s’attache à démontrer dans un premier temps de quelle manière ils sont à l’œuvre dès le plus jeune âge. Il s’efforce ensuite de décrire comment faire face à ce phénomène qui s’amplifie tout au long de la scolarité. Enfin, il démontre l’urgence de lutter contre les stéréotypes de genre qui réduisent le champ des possibles et nuisent à l’égalité.

SYNTHÈSE DES RECOMMANDATIONS

  • Recommandation n° 1 : Mettre en place un accompagnement à la parentalité, pour les mères comme pour les pères, afin de leur apporter les outils pédagogiques pour éduquer leurs enfants dans le respect de l’autre et l’égalité entre les filles et les garçons.
  • Confier aux Caisses d’allocations familiales (CAF) la mission de fournir aux jeunes parents des tutoriels pratiques, accessibles à toutes et à tous. Demander aux mairies d’organiser à périodicité régulière des séances d’information et d’échanges, à destination des parents, sur les thématiques d’éducation et de prévention spécifiques aux enfants et adolescents (éducation au respect et à la tolérance, prévention des dangers comme la drogue, le cyberharcèlement, la pornographie, la prostitution, etc.).
  • Recommandation n° 2 : Mettre en place des seuils positifs, imposant une progression régulière d’ici l’horizon 2030 du sexe le moins représenté dans les formations pour les métiers de la petite enfance, ainsi que dans les formations d’enseignants du primaire et du secondaire (CAP petite enfance, masters MEEF mentions premier degré et second degré, etc.), jusqu’à atteindre un objectif de 40 %. Prévoir un compte rendu annuel de la part des établissements proposant ces formations auprès du ministre de tutelle, afin de rendre compte de la progression du sexe le moins représenté dans ces formations.
  • Recommandation n° 3 : Revaloriser les rémunérations et le déroulement de carrière des professionnels de la petite enfance, des enseignants et du personnel scolaire. Mener des campagnes d’information et d’incitation pour favoriser davantage de mixité dans ces métiers féminisés en quasi-totalité.
  • Recommandation n° 4 : Dans un premier temps, renforcer le dispositif du congé parental, en prévoyant, pour une durée limitée, une rémunération calculée en pourcentage du salaire du parent qui demande à en bénéficier, afin d’inciter davantage de pères à le prendre pour s’occuper de leurs enfants en bas âge. À moyen terme, réinterroger l’équilibre au sein du couple de la répartition du congé parental entre les deux parents.
  • Recommandation n° 5 : Prévoir dans toutes les fédérations sportives un module de formation obligatoire aux stéréotypes de genre, à destination de l’ensemble des chargés de cours de sport, dans le cadre des activités de loisir et des entraîneurs, pour le sport de compétition. Afficher dans tous les lieux de cours et les vestiaires sportifs des messages de prévention comportant pour chaque fédération sportive un numéro dédié de signalement des comportements inappropriés.
  • Demander à chaque fédération de présenter chaque année à son ministre de tutelle un plan de féminisation détaillant comment elle compte développer la pratique du sport féminin et surtout comment elle envisage de développer le sport féminin de haut niveau, en indiquant les progrès réalisés par rapport à l’année précédente.
  • Recommandation n° 6 : Mettre en place un mécanisme de péréquation au niveau national, afin que l’ensemble des communes de France fournisse aux élèves de primaire des manuels de lecture récents, conformes aux dernières réformes de programmes. Cela permettrait de remédier aux inégalités entre élèves dont certains ne disposent que de manuels parfois très anciens et fortement entachés de biais de genre.
  • Recommandation n° 7 : Repenser l’aménagement des cours de récréation, avec notamment des équipements sportifs offrant la possibilité aux filles et aux garçons de jouer ensemble, afin que la cour de récréation permette des usages diversifiés et devienne un lieu favorisant l’égalité de genre dans l’appropriation de l’espace.
  • Au sein de l’école, prévoir également des espaces favorisant la fluidité et la mixité à l’intérieur et à l’extérieur des bâtiments, en portant une attention particulière aux toilettes qui doivent respecter l’intimité des filles et des garçons, dans le respect des règles d’hygiène.
  • Recommandation n° 8 : Créer un label égalité pour les manuels scolaires, figurant sur la couverture et décerné par le ministère de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports, sur la base de la grille d’analyse établie par le Haut Conseil à l’Égalité et le centre Hubertine Auclert, afin d’éclairer les enseignants sur le contenu des manuels scolaires et d’inciter les éditeurs à poursuivre leurs efforts dans la lutte contre les stéréotypes de genre.
  • Recommandation n° 9 : Inscrire sur la liste de la Direction générale de l’enseignement scolaire (DGESCO) des ouvrages de littérature de jeunesse pour le cycle 2 (CP, CE1, CE2), des albums et des livres illustrés mettant l’accent sur l’égalité entre les filles et les garçons et déconstruisant les stéréotypes de genre en matière d’aptitudes, de goûts et de rôles, afin que les enseignants puissent disposer d’outils ludiques permettant d’engager un dialogue avec les filles et les garçons sur la question de l’égalité et celle des stéréotypes de genre.
  • Recommandation n° 10 : Faire de l’égalité entre les femmes et les hommes une priorité à caractère transversal, irriguant l’ensemble des programmes scolaires quels que soient le niveau et la matière concernés. Renforcer la collaboration entre le Conseil supérieur des programmes (CSP) et les éditeurs de manuels scolaires, en les intégrant dans les groupes d’experts d’élaboration de projets de programmes.
  • Recommandation n° 11 : Introduire au sein des enseignements du master MEEF (spécialisé dans les métiers de l'enseignement, de l'éducation et de la formation) mention 1er degré, pour les professeurs des écoles, et du master MEEF mention second degré, pour les professeurs du second degré, un module de formation obligatoire de sensibilisation aux stéréotypes de genre, comportant une partie théorique et une partie pratique, avec notamment des mises en situation.
  • Prévoir un module de formation continue, à caractère également obligatoire, pour les enseignants d’écoles primaires, ainsi que du secondaire, déjà en poste, afin que l’ensemble des personnels enseignants bénéficie d’une sensibilisation et d’une formation dans ce domaine.
  • Recommandation n° 12 : Prendre en compte les spécificités des Outre‑mer, en s’appuyant sur les associations locales et en les soutenant fortement. En effet, celles-ci sont plus à même de proposer des solutions opérationnelles permettant de lutter contre les stéréotypes de genre et les violences faites aux femmes, en intégrant des actions adaptées aux spécificités de chaque territoire et au plus près des besoins de la population locale.
  • Renforcer leurs moyens et leur assurer un financement pérenne, afin de ne pas fragiliser les structures disposant de moyens matériels et humains limités.
  • Recommandation n° 13 : Dans l’enseignement secondaire, mettre en place des seuils positifs pour tous les enseignements de spécialité en classes de première et de terminale, avec un objectif de progression sur cinq ans permettant d’atteindre une proportion de 40 % du sexe le moins représenté dans l’enseignement concerné, afin d’avoir davantage de mixité et d’ouvrir des champs d’orientation plus larges pour l’ensemble des élèves. Prévoir un compte rendu annuel de la répartition et de la progression des filles et des garçons vers l’objectif retenu dans les différents enseignements de spécialité de la part de chaque lycée auprès de l’académie dont il relève.
  • Recommandation n° 14 : Dans l’enseignement supérieur, mettre en place des seuils positifs dans les classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE) scientifiques, avec un objectif de progression sur cinq ans, permettant d’atteindre une proportion du sexe le moins représenté de 40 %, dans chacune des sections des CPGE scientifiques (BCPST, MPSI, PCSI, PTSI,…), ainsi que dans les écoles d’ingénieurs, qu’il s’agisse des écoles d’ingénieurs post-bac avec préparation intégrée ou des écoles accessibles après passage par les classes préparatoires aux grandes écoles.
  • Prévoir un compte rendu annuel réalisé par chaque établissement scolaire comportant des classes préparatoires scientifiques, afin d’indiquer la proportion et la progression des filles et des garçons vers l’objectif retenu dans chaque section concernée auprès de l’académie dont il dépend.
  • Prévoir également un compte rendu annuel de chaque école d’ingénieurs, afin d’indiquer la proportion et la progression des filles et des garçons vers l’objectif retenu dans chacune de leurs formations auprès de la Conférence des grandes écoles (CGE) et de la Conférence des directeurs des écoles françaises d’ingénieurs (CDEFI).
  • Recommandation n° 15 : Compte tenu des nouvelles compétences des régions en matière d’orientation, leur demander de fournir au ministère de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports, un bilan annuel des actions d’information menées dans les établissements scolaires, afin d’évaluer s’il n’existe pas de disparités entre les régions, préjudiciables à l’égalité entre les élèves.
  • Recommandation n° 16 : Ouvrir les écoles sur les associations et le monde scientifique et industriel, notamment en mettant en œuvre des actions de bénévolat et de mentorat, afin de favoriser l’émergence d’une véritable culture scientifique, dès le plus jeune âge.
  • Amplifier et généraliser les initiatives développées par des associations comme Elles Bougent, pour les formations d’ingénieurs, ou Animath, pour les mathématiques, en leur accordant une délégation de service public, assortie de moyens financiers et humains, afin de leur permettre de mener des actions d’information et de sensibilisation dans l’ensemble des régions et de toucher un public plus large.
  • Recommandation n° 17 : Mettre en place une formation des enseignants et intégrer dans les programmes scolaires, avec un temps dédié, à tous les niveaux d’enseignement, un enseignement consacré au respect de l’autre, mettant l’accent sur le contenu de cette notion et fournissant aux élèves des outils pédagogiques adaptés à chaque âge pour qu’ils l’intègrent dans leur quotidien, aussi bien dans le cadre scolaire qu’extrascolaire.
  • Ces modules auront pour objectif de développer l’empathie, la communication bienveillante et les compétences psychosociales, tant chez les élèves que chez les enseignants.
  • Recommandation n° 18 : Étendre le dispositif des référents égalité, en place dans les établissements de l’enseignement secondaire, à l’ensemble des écoles élémentaires de l’Hexagone et des Outre-mer, afin que toutes les écoles élémentaires, où le besoin est tout aussi avéré que dans l’enseignement secondaire, puissent bénéficier d’un référent égalité, lequel serait en lien avec un coordinateur auprès de l’Inspection académique.
  • Recommandation n° 19 : Créer un Observatoire des enfants qui regrouperait des experts et des personnalités qualifiées de la sphère éducative. Il aurait notamment pour mission de publier un baromètre annuel, en partenariat avec UNICEF France, sur la base des résultats des Consultations nationales des 6/18 ans. Cette collaboration aurait pour objectif de faire état du ressenti et des attentes des enfants qui sont encore trop nombreux à faire le constat et à subir un environnement inégalitaire et de définir avec eux les priorités d’améliorations à mettre en œuvre.
  • Par ailleurs, ce baromètre annuel assurerait également le suivi d’un Indice Synthétique de Stéréotypie de genre que les académies transmettraient tous les ans à l’Observatoire des enfants pour qu’il en fasse la synthèse au niveau national.
  • Recommandation n° 20 : Fusionner le 3020, le numéro vert national dédié au harcèlement à l’école, et le 3018, le numéro vert national pour les jeunes victimes de violences numériques et leurs parents, afin que les jeunes aient accès à un numéro unique, en mesure de répondre à toutes les problématiques de harcèlement qu’il s’agisse de harcèlement à l’école ou de cyberharcèlement, les deux phénomènes étant souvent concomitants. Rendre ce numéro accessible 24 heures sur 24 et prévoir la possibilité d’échanger en langue régionale dans les Outre-mer.
  • Renforcer les équipes qui les composent et diversifier les modalités de saisine (par exemple par tchats), afin d’apporter des réponses rapides et concrètes aux jeunes en détresse. Conduire des campagnes d’information nationales sur ce numéro vert aux compétences élargies et distribuer une plaquette d’information à tous les élèves du secondaire, à chaque rentrée scolaire. Utiliser les réseaux sociaux et les nouvelles formes de communication pour relayer ces campagnes.
  • Recommandation n° 21 : Faire de l’éducation à la sexualité en milieu scolaire un enseignement obligatoire spécifique, et non plus transversal, dispensé dès la maternelle. Celui-ci ne se bornera plus à une approche physiologique et médicale. Il devra s’attacher à mettre l’accent sur le respect de l’autre, la notion de consentement, ainsi que sur la prévention contre la pornographie.
  • Former les intervenants en milieu scolaire, afin qu’ils puissent délivrer une information adaptée aux besoins et aux attentes des enfants et des adolescents.
  • Dans le secondaire, prévoir l’intervention d’associations sensibilisant les jeunes aux droits des LGBTQIA+.


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mot(s) clé(s) :  droits humains, genre, inégalités