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Entre recherches et pratiques

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Pays : Belgique  Langue(s) : français 

Former à l’oral, former par l’oral à l’université - Journée scientifique


Date :  du 09-09-2022 au 09-09-2022

Appel à communications ouvert jusqu'au :  15-06-2022

Lieu :  Université Saint-Louis, Bruxelles

Modalité :  présentiel

Organisation :  Université catholique de Louvain (UCL)

Comité scientifique

  • Stéphane Colognesi – Université catholique de Louvain
  • Karine Dejean – Université Saint-Louis - Bruxelles
  • Catherine Delarue-Breton – Université de Rouen
  • Isabelle Delcambre – Université de Lille
  • Jean-Pierre Delchambre – Université Saint-Louis - Bruxelles
  • Stéphanie Delneste – Université de Mons
  • Joaquim Dolz – Université de Genève
  • Christiane Donahue – Dartmouth College
  • Roxane Gagnon – Haute École pédagogique de Vaud
  • Anass El Gousairi – Université Mohammed V de Rabat
  • Martine Jaubert – Université de Bordeaux
  • Christiane Morinet – Université Sorbonne nouvelle Paris 3
  • Marie-Christine Pollet – Université libre de Bruxelles
  • Caroline Scheepers – Université Saint-Louis - Bruxelles
  • Bernard Schneuwly – Université de Genève
  • Dominique Ulma – Université d’Angers

 

Comité d’organisation

Karine Dejean – Université Saint-Louis - Bruxelles

Stéphanie Delneste – Université de Mons

Caroline Scheepers – Université Saint-Louis - Bruxelles

Samuel Waltener – Université Saint-Louis - Bruxelles

 



Programme : 

Texte de cadrage

Depuis longtemps, l’université est associée à l’univers de l’écrit. Pourtant, tout bien considéré, les pratiques langagières orales sont, elles aussi, omniprésentes dans le champ académique, qu’il s’agisse de son pôle pédagogique (du cours magistral en grand auditoire en première année au séminaire doctoral, de l’examen oral à l’exposé en séminaire), scientifique (de la soutenance de thèse aux conférences) ou institutionnel (conseil de faculté, conseil d’administration, etc.). Partout, dans toutes les strates académiques, l’oral circule, se mobilise, se déploie, s’enseigne, s’apprend, souvent en interrelation étroite avec l’écrit. Si le sujet académique est un sujet lecteur et scripteur, il est aussi un sujet écoutant et parlant, ce que la recherche francophone a très peu pris en compte jusqu’à présent. Ainsi, l’oral universitaire, pourtant omniprésent, a été trop longtemps invisibilisé : notre journée scientifique entend remédier à cette mise sous boisseau. Plusieurs champs disciplinaires sont mobilisés : linguistique, didactique, sciences de l’éducation, sciences de la communication, droit, sociologie, anthropologie…

 

L’oral : de quoi s’agit-il ?

L’oral a suscité de nombreuses études, entre autres, inscrites en sciences du langage ou dans le champ de l’enseignement obligatoire, nous y reviendrons. De façon liminaire, il faut rappeler que l’oral comporte deux facettes : l’écoute (le mode de la réception) et la parole (le mode de la production, l’oracy évoquée par les anglophones), sans compter les interactions entre les deux. Roxane Gagnon et al. (2017 : 32) envisagent l’oral comme un terme polysémique, lequel fait appel à des réalités théoriques et pratiques hétérogènes, qui conduisent à des approches théoriques tout aussi diverses : certaines sont centrées sur la communication et les interactions, d’autres sur les discours, les genres textuels, les conditions langagières, les fonctions de la langue parlée, la mimogestualité… Cette diversité de pratiques correspond aussi à la question de la variation linguistique, raison pour laquelle Claudine Garcia-Debanc (2016) préfère parler d’enseigner non pas l’oral, mais « des oraux ».

Quant à Élisabeth Nonnon (1999), elle différencie trois types d’oralités. L’oral peut d’abord s’envisager comme une maitrise des discours : cela suppose que le locuteur exerce des compétences linguistiques et qu’il mette en œuvre un certain nombre d’activités discursives (expliquer, débattre, justifier). L’ouvrage de Joaquim Dolz et Bernard Schneuwly (2016) est sans doute le plus emblématique de ce courant. Ensuite, l’oral peut se concevoir du point de vue de la communication scolaire, ce qu’a bien étudié Catherine Delarue-Breton (2012). Enfin, l’oral comme verbalisation devient le principal médiateur de l’élaboration de connaissances. Conformément aux travaux vygotskiens, l’oral est levier et trace, il soutient le processus d’appropriation des savoirs. L’ouvrage dirigé par Jean-Charles Chabanne et Dominique Bucheton (2002) illustre bien ce paradigme.

L’oralité peut prendre des formes diverses. Claude Simard et al. (2012) distinguent dans l’interaction orale, l’oral polygéré (qui s’ajuste à chaque interlocuteur) et l’oral monogéré, repérable lors de prises de paroles longues et suivies. Nous avons alors affaire à un oral peu interactif, préparé, soutenu par une prise de notes, constituant une situation intermédiaire entre l’écrit et l’oral. Sur un plan didactique, Claude Simard et al. (2012) proposent de différencier les cas où l’oral est juste mobilisé ou, plus rare, véritablement travaillé. En outre, ces mêmes chercheurs mettent au jour les diverses dimensions qui sous-tendent l’oral. Une dimension interactionnelle (permettant de s’adapter à l’interlocuteur), une dimension textuelle (intégrant les caractéristiques des genres textuels), des éléments non verbaux (regard, corps), des aspects locutoires (débit, intensité, articulation, intonation), des dimensions phonologiques et phonétiques, des traits syntaxiques ou lexicaux, des dispositions spatiales, des activités ritualisées… Claude Simard et al. (2012) expliquent qu’à l’oral, priment les mots dits grammaticaux (déterminants, auxiliaires…), tandis qu’à l’écrit prédominent les mots dits lexicaux (noms, verbes, adjectifs), etc.

Quant à Catherine Le Cunff et al. (2012), ils différencient les composantes pragmatiques (centrées sur la situation de communication), discursives (pour narrer, argumenter…), linguistiques (lexique, syntaxe, intonation…), métalinguistiques (contrôle et adaptation de son discours face à son interlocuteur) et métalangagières (mise à distance de ces composantes). Anne-Sophie Romainville (2019) souligne l’importance des compétences métalangagières, métadiscursives, pour soutenir la démocratisation de l’enseignement. Catherine Le Cunff et al. (2012) opposent l’oral en situation (pour décrire, expliquer) et l’oral hors situation (pour mémoriser, témoigner…). Pour sa part, Christiane Morinet (2016) estime que la réussite scolaire est liée à la transformation des pratiques langagières quotidiennes en pratiques littéraciées, ce qui transforme le rapport au moi, au sujet et au monde. De même, elle différencie le parler quotidien de l’oral en situation scolaire. Pour sa part, Catherine Delarue-Breton (2012) étudie l’oral pour apprendre, le dialogue scolaire qui se joue en classe. Jean-Paul Bernié (2001), Marie-Thérèse Chemla et Martine Dreyfus (2002), Jean-Charles Chabanne et Dominique Bucheton (2002) évoquent un oral et un écrit intermédiaires, un langage pour apprendre, penser, se construire, se (trans)former. Martine Jaubert et Maryse Rebière (2002 : 168) défendent l’idée selon laquelle les oraux servent les « avancées notionnelles et cognitives ». Elles ajoutent qu’en raison de sa labilité, de son évanescence et de son apparente immédiateté, l’oral réflexif pour apprendre est sous-estimé par les enseignants.

Joaquim Dolz et Bernard Schneuwly (2016) élaborent une typologie des moyens non linguistiques de la communication orale. Ils distinguent les moyens paralinguistiques (qualité de la voix, mélodie, respiration, débit), des moyens kinésiques (attitude corporelle, mouvements, gestes, regard, mimique), de la position des locuteurs (occupation des lieux), des aspects extérieurs (habits, déguisements) et des aménagements des lieux. S’appuyant sur les travaux de Claire Blanche-Benvéniste, Bruno Maurer (2001 : 45) caractérise nettement l’oral : un Je se trouve le plus souvent face à un Tu, la focalisation sur le sujet est presque permanente, le coénonciateur est pris à témoin, abondent les marques personnelles, les modalisations, les demandes de retours, les continueurs. Dès lors, le chercheur en conclut qu’il importe de dissocier plus nettement la didactique de l’oral de la didactique de l’écrit (Maurer, 2001 : 45). Est forte la prise de risque que constitue la prise de parole face à autrui. S’exprimer à l’oral, c’est se mettre en danger, c’est s’engager tout entier (voix, regard, posture, corps…), c’est affronter, le plus souvent en direct, les réactions des interlocuteurs. Les trois tomes des Interactions verbales de Catherine Kerbrat-Orecchioni (1990, 1992, 1994) et l’ouvrage La conversation définissent encore d’autres dimensions propres à l’oralité. S’avère également incontournable la théorie des faces, développée par Erving Goffman (1974) et théorisée en linguistique française par Dominique Maingueneau, la face étant l’image de soi que l’on s’est échafaudée et que l’on espère que les autres nous renvoient. Patrick Charaudeau et Dominique Maingueneau (2002 : 203) opposent la situation dialogale de la situation monologale. Dans un échange oral, expliquent-ils, les deux interlocuteurs ne peuvent pas appréhender globalement leurs énoncés ou revenir en arrière, ils sont toujours sous la menace d’une interruption, à leurs mots s’ajoutent les mimiques ou indices paraverbaux, tandis que se multiplient les ellipses et les redondances. Enfin, Pascal Dupont et Michel Grandaty (2016) insistent : si l’oral est convoqué partout, il n’est pourtant visible nulle part. En outre, ces chercheurs expliquent que l’oral, à l’école, se dédouble, dans la mesure où il est à la fois outil et objet d’enseignement. Alors, il apparait comme consubstantiel aux contenus des savoirs discursifs (Dupont & Grandaty, 2016 : 12).

L’écrit et l’oral s’inscrivent dans des relations multiples, écrivent Catherine Le Cunff et al. (2012). Anne-Marie Chartier (2011) explique que le 20e siècle et le mouvement de décolonisation ont ébranlé la théorie du « grand partage », opposant les sociétés historiques et préhistoriques, l’oralité induisant une « pensée prélogique figée », tandis que la pensée occidentale serait porteuse de progrès. Selon Paul Cappeau (2008 : 100), l’oral et l’écrit constituent les deux faces d’une même feuille de papier, même si l’écrit ne se réduit pas à transcrire l’oral et s’il parvient à restituer la teneur d’un message, sans pouvoir donner à voir la part expressive de l’oral. Le chercheur rappelle en outre que l’oral s’acquiert en premier. De même, Paul Cappeau (2008 : 178) précise que si l’écrit est deux fois plus dense que l’oral, le premier s’organiserait autour du nom, alors que le second s’organiserait autour du verbe. Par contre, le chercheur explique que si l’oral exige que toutes ses actions soient simultanées, à l’écrit, certaines tâches peuvent être différées. Brigitte Peterfalvi (2009) oppose langages écrits et oraux : canal sonore vs. canal visuel, immédiateté des échanges vs. permanence des écrits, ajustements instantanés possibles vs. relectures et modifications facilitées, fluidité vs. moins de fluidité… L’oral apparait comme évanescent, linéaire, simultané, cogéré par les interlocuteurs, affirment Jean-Pascal Simon et Marie-Laure Elalouf (2008). Cependant, Dominique Bucheton et Jean-Charles Chabanne (2002) évoquent un entretissage oral/écrit : l’écrit peut appuyer l’oral ou lui être consécutif. L’écrit et l’oral réflexifs s’entrelacent bien souvent. De la même façon, aujourd’hui, en raison notamment du numérique, se développent de plus en plus de formes hybrides : des écrits synchrones, des oraux asynchrones… Cette hybridation est sans doute de nature à opacifier davantage les pratiques langagières orales qui se déploient à l’université.

Les travaux de Lev Vygotski ont certainement contribué à minimiser le rôle de l’oral dans le processus d’enseignement-apprentissage. Ainsi, si Lev Vygotski (1931-2014 : 521) écrit que « le langage est le moyen majeur de développement de la personnalité », tandis que « le mot est l’outil direct de la formation des concepts » et s’il montre l’importance du mot dans la constitution progressive de fonctions psychiques supérieures, il souligne l’importance toute particulière que revêt le langage écrit. Selon Lev Vygotski, ce dernier suppose une double abstraction : « celle de l’aspect sonore du langage et celle de l’interlocuteur » (1934-1997 : 339). En effet, le scripteur écrit pour un interlocuteur absent. Lev Vygotski va jusqu’à dire que le langage écrit constitue une forme d’algèbre du langage, donnant l’opportunité à l’enfant d’accéder à une dimension plus abstraite de celui-ci et de restructurer le système psychique antérieur qu’est le langage oral (1934-1997 : 339). Le langage écrit est présenté comme étant d’une nature foncièrement plus complexe que le langage oral, car il est « orienté vers une intelligibilité maximale pour autrui » (Vygotski, 1934-1997 : 342) : tout doit être communiqué intégralement, rien ne doit être flou ou approximatif. En outre, le langage écrit est qualifié de plus conscient que le langage oral : il contraint le scripteur à une activité plus intellectualisante, plus abstraite (Vygotski, 1934-1997 : 343), tandis qu’il exige « des opérations très complexes de construction volontaire du tissu sémantique » (Vygotski, 1934-1997 : 342). Lev Vygotski ajoute : « le langage écrit est la forme de langage la plus prolixe, la plus précise et la plus développée » (1934-1997 : 471). Dès lors, le langage oral apparait comme étant plus simple, mais aussi moins « riche ». La prise en compte de travaux linguistiques déjà cités semble nuancer quelque peu cette perspective. En effet, l’oral, de moyen d’apprentissage, peut devenir un objet d’apprentissage dans une relation interactive avec l’apprenant. Ainsi, Martine Jaubert et Maryse Rebière (2002) défendent l’idée selon laquelle l’oral, en dépit de sa labilité et de son évanescence, peut contribuer à secondariser les pratiques, jouer un rôle de médiation dans l’élaboration des savoirs, permettre aux étudiants d’échafauder un point de vue inédit, un nouveau réseau conceptuel et un contrôle de leurs apprentissages.

Nombreux sont les chercheurs à souligner les difficultés qu’il y a à enseigner et à évaluer l’oral. Ainsi, Claude Simard et al. (2012) craignent que, dans la mesure où l’oral est partout, le risque est grand qu’il ne soit travaillé nulle part. Ils ajoutent que l’oral implique toute la personne, que l’enseignement de l’oral prend du temps, alors que son évaluation s’avère délicate. Claude Simard et al. (2012) et Jean-Maurice Rosier (2002) pensent tous deux que l’enseignant manque d’outils pédagogiques ou linguistiques qui lui permettraient d’appréhender facilement la grammaire de l’oral, bien différente de celle de l’écrit. Joaquim Dolz et Bernard Schneuwly (2016) considèrent qu’aujourd’hui, plus personne ne conteste la nécessité d’enseigner l’oral, pourtant, son enseignement n’est guère aisé, notamment, en raison du fait qu’il s’avère difficile d’envisager l’oral comme un objet autonome. Toutefois, cet enseignement-apprentissage apparait comme indispensable. Ainsi, l’évaluation de l’oral est centrale, car l’oral s’inscrit au cœur des évaluations lors des stages, des exposés faits en classe, des examens. Or l’oral est volatile, ce qui complexifie la tâche de l’évaluateur.

Nous le voyons bien, l’oral s’avère bien plus complexe qu’il n’y parait : il est tissé de multiples dimensions, ce qui rend son appréhension, son enseignement-apprentissage et son étude complexes et délicats, d’autant plus que l’oralité telle qu’elle s’enseigne, s’apprend et se déploie à l’université a fait l’objet de très peu d’études.

L’oral à l’université : un point aveugle de la recherche francophone

Bien que moins stigmatisées dans le discours tout-venant, les pratiques langagières orales estudiantines donnent à voir nombre de difficultés, de résistances. Souvent présentée comme moins complexe que l’écrit, car moins abstraite, d’apparence moins formelle, moins exigeante, l’oralité engendre en réalité des problèmes d’enseignement-apprentissage, mais d’une autre nature. Si la littérature scientifique et professionnelle a abondamment étudié l’écrit universitaire, très peu d’études se sont penchées sur les pratiques langagières orales des étudiants, sur le plan de la réception ou de la production. En revanche, sont bien plus nombreuses les publications scientifiques ou professionnelles s’agissant de l’oralité en maternelle, au primaire ou au secondaire. Dès lors, étudier l’oral tel qu’il s’enseigne, s’apprend et circule à l’université s’avère résolument pionnier. C’est tout un champ inexploré de recherches et de pratiques qui s’offre à nous.

Ainsi, les médias relaient volontiers des propos alarmistes et des discours déficitaires à propos des pratiques lecturales et scripturales des étudiants. Dans le champ scientifique, en 1993 parait Les étudiants et la lecture dirigé par Emmanuel Fraisse. Deux colloques sont organisés à propos de la lecture à l’université, le premier à Toulouse en 1996, le second à Grenoble en 1998. Dans la foulée, la didactique de l’écrit, et plus encore la didactique de l’écrit au supérieur, reste embryonnaire, estiment conjointement Yves Reuter (2000) et Régine Delamotte et al. (2000). Depuis lors se sont multipliées les publications relatives à l’écrit au supérieur, comme le montrent de récentes revues de la littérature (Frier, 2015 ; Pollet, 2021 ; Scheepers, 2021). Elles révèlent que l’écrit a été exploré sous des facettes extrêmement diverses : le rapport à l’écrit, la transition secondaire-supérieur, la problématisation, l’énonciation, la conduite argumentative, les genres discursifs (le mémoire de master en tête), les dimensions linguistiques, la gestion de la polyphonie discursive, les dispositifs d’enseignement-apprentissage, les inégalités liées à l’écrit, l’approche normative versus une approche littéraciée, les écrits professionnels/professionnalisants, les écrits réflexifs, les brouillons, l’ancrage disciplinaire de l’écrit… Les revues de la littérature (Frier, 2015 ; Pollet, 2021 ; Scheepers, 2021) révèlent en outre qu’après quelques travaux liminaires sur la lecture, très vite, c’est sur la question de l’écriture que se sont focalisés la grande majorité des travaux. Bien plus rares sont les travaux relatifs à la lecture au supérieur, même si cette problématique semble susciter nos jours un regain d’intérêt, comme le montrent ce récent colloque, Enseigner à lire, apprendre à lire à l’université ?, qui s’est tenu à l’Université de Lausanne en octobre 2021, et quelques publications (Glorieux, 2021 ; Lebrun, 2021).

Excessivement rares sont les recherches à avoir pris en compte les pratiques langagières orales des étudiants ou des enseignants universitaires. Certaines contributions de l’ouvrage collectif dirigé par Marion Tellier et Lucile Cadet (2015) prennent en compte le corps et la voix des (futurs) enseignants. Ces travaux sont novateurs, car Anne Jorro (2018) écrit que le corps des enseignants constitue un angle mort dans la recherche. Dans sa thèse, Roxane Gagnon (2010) s’attache à former les enseignants à l’enseignement de l’argumentation orale : elle travaille plus particulièrement sur l’entretien d’embauche et le débat régulé. De même, Stéphane Colognesi et Joaquim Dolz (2016) se préoccupent de faire construire par de futurs instituteurs du primaire des scénarios pour développer les capacités orales des élèves du primaire. Dans le cadre d’une formation universitaire à l’évaluation de l’oral, Constance Lavoie et Étienne Bouchard (2016) analysent dans quelle mesure évolue la capacité des étudiants à s’autoévaluer quant à leurs capacités orales. La compétence visée est celle qui consiste à communiquer clairement et correctement dans la langue d’enseignement, tant à l’oral qu’à l’écrit, et ce dans les multiples contextes associés au métier d’enseignant. À cet égard, Caroline Scheepers (2016, 2017) analyse les interactions dialogiques qui se nouent entre (futurs) instituteurs et élèves du primaire lors des lectures partagées de leurs journaux réflexifs. Les défenses de travaux de fin d’études font l’objet de peu d’études (Deleuze, 2002 ; Scheepers, 2009), tout comme l’accompagnement des mémoires (Germain & Grémillet, 2000 ; Prégent, 2001 ; Scheepers, 2009 ; Frenay & Romainville, 2013).

Pourtant, l’oral tel qu’il s’enseigne, s’apprend et se pratique en maternelle, au primaire et au secondaire, fait l’objet de plusieurs publications, parmi lesquelles, sans souci d’exhaustivité : Gadet, Le Cunff & Turco (1998), Le Cunff & Jourdain (1999), Grandaty & Turco (2001), Maurer (2001), Chabanne & Bucheton (2002), Garcia-Debanc & Plane (2004), Elalouf, Cappeau & Tisset (2008), Schneeberger & Vérin (2009), Dolz & Schneuwly (2016), Dupont & Grandaty (2016), de Pietro, Fisher & Gagnon (2017), etc. Plusieurs numéros spéciaux de revues en didactique furent consacrés à l’oral, presque toujours l’oral dans l’enseignement obligatoire. Pour la revue Pratiques, on peut recenser les numéros 17 (1977, L’oral), les numéros 147-148 (2010, Interactions et corpus oraux), les numéros 177-178 (2018, Langage oral à l'école maternelle. Étude d'un corpus homogène), les numéros 183-184 (2019, Oralité, littératie). S’agissant de la revue Repères, on peut se reporter aux numéros 3 (1991, Articulation oral/écrit), 17 (1998, L'oral pour apprendre), 24-25 (2001, Enseigner l’oral) et 54 (2016, L'oral à l'école : qu'apprend-on et comment ?) Quant à la revue Le français aujourd’hui, elle a consacré de nombreux numéros à la problématique qui nous occupe : 39 (1977, Enseigner l’oral ?), 41 (1978, L'oral à Limoges (Pierre Bourdieu)), 71 (1985, Dialoguer, de la conversation au texte septembre), 88 (1989, Les couleurs, le langage et les sons, 101 (1993, Norme(s) et pratique(s) de l'oral, 146 (2004, Oral : le rapport à l’autre, 150 (2005, Voix. Oralité de l’écriture) et 195 (2016, L’oral en question(s)). Sans oublier le n°73 de la revue Recherches (2020) : Les genres de l’oral.

Dès lors, si l’enseignant qui officie dans l’enseignement obligatoire peut s’appuyer sur un prescrit légal, une littérature scientifique et professionnelle abondante, il n’en va pas de même pour l’enseignant universitaire. Si se multiplient les discours déficitaires à propos de l’écrit, est-il avéré que les pratiques langagières orales des étudiants soient moins problématiques ? Rien n’est moins sûr : sur le terrain, il est possible d’entendre les enseignants déplorer la façon dont les étudiants gèrent un appel téléphonique, un exposé, un débat, un examen oral, un entretien d’embauche, un entretien réflexif au terme d’un stage ou une défense de mémoire. Ainsi, à en croire les enseignants, l’écrit apparaît comme plus problématique, mais l’oral ne serait pas exempt de difficultés, tant s’en faut. Nous savons par ailleurs que l’entrée au supérieur confronte l’étudiant à des genres discursifs écrits et oraux à la fois inédits et complexes (Pollet, 2001 ; Charpentier, 2021, Scheepers & Delneste, 2021). Cette confrontation est potentiellement plus difficile que la socialisation familiale de l’étudiant (Lahire, 2008) s’avère peu congruente avec ce qu’exigent l’école ou le supérieur en termes de pratiques discursives. Nous touchons ici à la délicate problématique des inégalités.

Des questions vives

En matière d’oralité à l’université, tout reste à faire et à explorer (ou presque). Plusieurs disciplines pourront être convoquées : linguistique, didactique, pédagogie universitaire, sociologie, anthropologie, sciences de la communication… Les contributions pourront aborder une ou plusieurs des questions reprises ci-dessous.

 

Axe 1 : les représentations sur l’oralité 

Quelles sont les représentations des étudiants et des enseignants en matière d’oralité ? Que disent-ils de l’oralité sur le plan des « bonnes pratiques », de leur propre apprentissage de l’oralité, de leurs difficultés ou atouts en la matière ? Pour eux, quels traits distinctifs permettent de caractériser un bon locuteur ou auditeur ? Quel regard posent-ils sur l’enseignement-apprentissage de l’oralité à la maison, au primaire, au secondaire et à l’université ? Comment envisagent-ils les pratiques langagières orales qui se déploient dans les différentes sphères d’activité professionnelle auxquelles prépare l’université ? Comment considèrent-ils les liens entre l’écrit et l’oral ? Quelles sont les attentes professorales en matière d’oralité ? Quel regard portent les professionnels sur les compétences dont font montre les étudiants ou les jeunes diplômés ? Et quel regard portent-ils sur les pratiques enseignantes ? Quelles sont leurs attentes ? Comment les pratiques langagières orales des étudiants et des enseignants universitaires sont représentées dans la littérature ou au cinéma ?

 

Axe 2 : les pratiques langagières orales prescrites

Quelles sont les pratiques langagières orales prescrites à l’université (toutes filières confondues), du point de vue de la production et de la réception, sous l’angle de l’enseignement-apprentissage ou de la recherche ? Comment caractériser finement ces diverses pratiques ? Quelle typologie établir ? Quels genres discursifs sont présents ? Pour quelle interrelation avec l’écrit ? Quelles pratiques langagières orales sont sollicitées à l’université, chez les étudiants et chez les enseignants ? À quel moment du cursus ? Dans quelles disciplines ? Comment se construisent les curriculums ? Selon quelle logique ? Quelles compétences sont visées ? Quels genres discursifs sont promus ? Quelles tâches sont prescrites ? Quels supports sont utilisés ? Quels modes d’évaluation sont privilégiés ? Comment se concrétisent les liens établis avec d’autres activités d’apprentissage ? Quel curriculum se met en place, du début au terme du cursus académique, de la première année de bachelier à la soutenance de thèse ? Des spécificités émergent-elles selon le cursus ou les disciplines concernées et si oui, quelles sont-elles ? Comment caractériser finement les outils d’enseignement-apprentissage déjà mis en place dans les institutions ? Quels liens peut-on établir avec la recherche en matière d’oralité ? Peut-on identifier des différences entre les pratiques mises en place à l’université, à la haute école, en promotion sociale ou dans le supérieur artistique ? Dans le champ scientifique, quels sont les attendus en termes de communication orale ? Quelles sont les prescriptions relayées par les manuels centrés sur la communication scientifique ?

Axe 3 : les pratiques langagières orales effectives

Quelles sont les pratiques langagières orales élaborées par les étudiants et les enseignants à l’université (toutes filières confondues), du point de vue de la production et de la réception ? Autrement dit, comment les étudiants et les enseignants s’emparent-ils des tâches langagières orales prescrites ? Des postures récurrentes peuvent-elles être identifiées et, dans l’affirmative, lesquelles ? Des constellations idéal-typiques de pratiques orales peuvent-elles être mises au jour et quels en seraient les contours ? La recherche peut-elle révéler des modes similaires de parler ou d’écouter ? Quels indices ou indicateurs seraient susceptibles de discriminer des pratiques orales relativement homogènes chez les étudiants et les enseignants ? Ces familles de pratiques une fois configurées peuvent-elles être corrélées et, dans quelle mesure, avec le profil des locuteurs (âge, genre, cursus en cours et antérieur…) ? Toutes les pratiques langagières orales estudiantines se valent-elles eu égard aux exigences des enseignants, des professionnels (maitres de stage et recruteurs) et des chercheurs en la matière ? Si certaines pratiques s’avèrent manifestement souhaitables et d’autres nettement moins, alors, comment aider les étudiants et les enseignants à mobiliser les pratiques orales attendues ? Quels dispositifs de formation seraient susceptibles d’outiller les enseignants chargés d’étayer les pratiques langagières des étudiants qui leur sont confiés ? Selon quelles modalités et pour quels effets ? Quels dispositifs pourraient aider les enseignants-chercheurs à mobiliser adéquatement l’oral ? Quand et comment enseigne-t-on la production orale en contexte académique ? Comment les pratiques numériques (cours en ligne, cours enregistrés…) influent-elles sur les pratiques d’enseignement-apprentissage ? Dans la sphère scientifique, quelles sont les pratiques langagières orales effectives ?

Modalités de soumission

Les personnes intéressées sont invitées à compléter ce formulaire de soumission en ligne.

 

En 3500 caractères (espaces compris), les propositions devront donner à voir la problématique étudiée, le cadre théorique mobilisé, le contexte étudié et, dans la mesure du possible, les principaux résultats, ainsi que la bibliographie. Les propositions de contributions seront expertisées par un comité scientifique.

 



URL :  https://www.usaintlouis.be/.../4204.html


mot(s) clé(s) :  littératie, compétences et pratiques langagières, pédagogie du supérieur