Les cités éducatives : Mission d’appui et d’accompagnement
Auteur(s) : François SCARBONCHI, Laurent MAYET, Jean-Marie PANAZOL
Editeur(s) : Inspection générale de l'Éducation, du Sport et de la Recherche (IGÉSR)
Date : 06/2021
Les cités éducatives s’inscrivent dans une démarche qui organise les prises en charges éducatives des
enfants et des jeunes, de la naissance à l’insertion professionnelle, avant, pendant, autour et après le
cadre scolaire. Elles associent des acteurs éducatifs dans les quartiers prioritaires de la politique de
la ville : services de l’État, collectivités territoriales, associations, parents, habitants.
Le gouvernement a adopté cette démarche dans le cadre de la « Mobilisation nationale pour les
habitants des quartiers » et affecté un budget de 100 M€ (2019-2022) pour le lancement des 80
premières cités éducatives labellisées en 2019. 46 nouveaux territoires ont été labellisés cités
éducatives en janvier 2021. A ces 126 cités éducatives, devraient s’ajouter d’autres territoires pour
atteindre 200 projets.
La coordination nationale de cette démarche est assurée par l’agence nationale de la cohésion des
territoires (ANCT) et la direction générale de l’enseignement scolaire (DGESCO), sous le pilotage du
ministère chargé de la ville et du ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Un comité national d’orientation et d’évaluation (CNOE) qui rassemble des experts, des acteurs des territoires, des associatifs et des citoyens, accompagne la démarche et veille particulièrement aux travaux d’évaluation. Au plan local, la gouvernance partagée des cités éducatives associe une
« troïka » composée du préfet, du recteur et du représentant d’une collectivité territoriale [le maire d’une commune ou le président d’un établissement public de coopération intercommunale (EPCI)].
Les projets labellisés doivent répondre à trois grands objectifs :
- conforter le rôle de l’école ;
- renforcer la continuité éducative ;
- ouvrir le champ des possibles.
La mission de l’inspection générale de l’administration (IGA) et de l’inspection générale de
l’éducation, du sport et de la recherche (IGÉSR) s’est attachée à répondre à la commande particulière d’une mission d’appui et d’accompagnement, excluant ainsi toute notion de contrôle ou d’évaluation dans le cadre de cette inspection. Compte tenu du peu de temps de déploiement des projets et de la forte perturbation occasionnée par la crise sanitaire, le temps n’est en effet pas venu d’une appréciation portée sur les résultats des actions, tant dans le domaine scolaire que périscolaire.
La mission a porté son analyse et ses préconisations sur la démarche engagée, sur les modalités de la coordination nationale et sur la gouvernance locale. Au travers de visites de terrain et d’échanges en visioconférence en périodes de restrictions des déplacements, elle indique dans ce rapport les pratiques positives qu’elle a rencontrées (le bouleversement des cultures administratives habituelles, une modalité de coopération publique originale, par exemple) et détaille les points de vigilance et d’amélioration, tant au niveau national que territorial (une coordination interministérielle à renforcer, la crainte d’un énième dispositif, la petite enfance et les parents trop souvent oubliés, le co-financement des collectivités territoriales encore à construire, etc.).
La démarche des cités éducatives, originale dans sa conception transversale entre deux ministères et entre les acteurs locaux, apparaît bien acceptée. Considérée comme particulièrement novatrice, elle n’est pas vécue comme un énième avatar de la politique de la ville et est porteuse d’espoir quant à son potentiel de transformation de l’action publique. Encadrée par des textes prescriptifs (un vade-mecum, une circulaire) qui définissent clairement les objectifs et les modalités d’organisation, les cités éducatives bousculent les pratiques habituelles « en silo » pour associer des acteurs dans une co-construction et une co-organisation sans leadership. Cette démarche s’inscrit dans un calendrier resserré sur trois années avec un rythme annuel de financement et de programmation des actions affecté par la crise sanitaire qui en a accentué l’aspect expérimental.
Les cités éducatives se caractérisent notamment par une nécessaire harmonisation des approches ministérielles qui ne sont pas exemptes de certaines visions divergentes sur lesquelles la mission attire l’attention dans ce rapport. L’engagement fort des décideurs locaux (préfet, recteur, maire) apparaît comme un gage de succès si les cultures administratives particulières sont dépassées. L’un des enjeux des cités éducatives est le maintien d’un équilibre entre la prescription centrale, via les ministères et la coordination nationale, et l’animation qui laisse une place à l’initiative locale et à la différenciation des organisations et des actions. Dans le processus encore en construction la mission estime que la gouvernance, si elle est bien comprise en général par les acteurs locaux, constitue un des éléments clés de la mise en œuvre et de l’efficacité des cités éducatives. Un temps, variable selon les territoires et l’antériorité du « vivre ensemble » des différents partenaires, doit impérativement lui être consacré. Tout excès de précipitation dans la mise en œuvre d’actions sans réflexion sur cette question d’une nouvelle gouvernance pourrait se révéler dommageable. La diversité des réponses apportées par les différents territoires est évidemment une richesse qui peut donner des pistes pour une nouvelle culture de l’action publique. Le rythme et le calendrier de la démarche nationale des cités éducatives apparaissent toutefois difficilement tenables et les interlocuteurs de la mission évoquent une avancée à marche forcée, des échéances courtes dans un contexte où les obstacles se multiplient (élections municipales, crise sanitaire, etc.). Dans certaines cités éducatives, la culture du résultat semble primer sur la recherche de projets d’actions qui requièrent du temps de maturation et d’appropriation. A l’opposé, dans d’autres cités éducatives, l’énergie mise à une conceptualisation complexe de la gouvernance se fait parfois au détriment de la capacité opérationnelle des acteurs. La gouvernance originale des cités éducatives est parfois contrariée par des velléités de leadership entre les services des préfectures (« celui qui paye décide ») et les services académiques qui considèrent l’éducation comme « leur » domaine. La collectivité territoriale peut également être tentée de privilégier ses choix politiques locaux au détriment d’une démarche nationale partagée. Pour surmonter ces obstacles, la mission insiste, pour l’organisation des cités éducatives, sur la place centrale des deux fonctions opérationnelles : celle du principal de collège, chef de file de la Cité éducative, d’une part, et celle du chef de projet opérationnel de la Cité éducative, d’autre part. Sans qu’il soit besoin de normer et d’encadrer ces fonctions, la mission préconise qu’elles fassent l’objet d’une attention particulière pour repérer, dans les pratiques en cours, ce qui marche et ce qui constitue des points de blocage dans l’articulation de ces deux fonctions. Le rapport pointe également la nécessité de l’approfondissement d’un cadre pour l’action locale de chaque Cité éducative qui passe par l’élaboration d’une stratégie et par un projet éducatif global qui touche l’ensemble des enfants et des jeunes de 0 à 25 ans et qui associe l’ensemble des acteurs de l’éducation, dans l’acception la plus large. L’implication et l’engagement systématique des enseignants est à cet égard un impératif. La démarche en cours, si elle apparaît bien engagée, requiert une consolidation notamment par un accompagnement rapproché et personnalisé qui portera notamment sur la gouvernance partagée dont la mise en place apparaît parfois difficile dans certains territoires. La mission considère qu’il est trop tôt pour mesurer des effets sur les résultats scolaires et sur l’évolution des pratiques pédagogiques des enseignants mais que toutes les conditions sont réunies pour que de tels effets soient observables à court terme. La mission fait des préconisations pour éviter l’écueil d’un énième dispositif de la politique de la ville et de l’éducation prioritaire, comme le craignent de nombreux interlocuteurs qu’elle a rencontrés. La question de la pérennisation et notamment du financement, au-delà de 2022, est posée et mérite une réponse tout comme la dotation de moyens humains adaptés pour tenir la charge d’une coordination nationale de 200 cités éducatives.
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mot(s) clé(s) : politiques éducatives