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Les politiques de l'orientation scolaire et professionnelle


n°25, mars 2007   

 

Auteur(s) :  Laure Endrizzi

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Résumé : 
En France, l'orientation scolaire a mauvaise presse : elle reste vécue comme un ensemble de procédures visant à limiter l'initiative et les choix des élèves et des familles, au bénéfice d'une logique gestionnaire de contrôle et de planification des flux d'élèves dans le système éducatif. La procédure que l'on imaginerait négociée entre trois parties (élèves et parents ; professeurs principaux et équipes pédagogiques ; conseillers d'orientation psychologues), sous l'arbitrage du chef d'établissement, semble défaillante.

À cette subordination conjointe à l'offre scolaire et aux résultats des élèves, encore prégnante malgré la loi d'orientation de 1989, vient s'ajouter le délitement des liens entre formation et emploi : le pilotage de l'orientation par l'emploi est aujourd'hui perçu comme illusoire, dans un contexte socio-économique où les trajectoires professionnelles sont de moins en moins prévisibles. Parallèlement, la démocratisation scolaire ne tient pas ses promesses : 80 000 sorties sans diplôme de l'enseignement supérieur par an et une précarisation croissante des accès à l'emploi. Il suffirait pour s'en convaincre de (re)lire l'ouvrage de Stéphane Beaud, 80% au bac... et après ? (2002), ou bien encore celui de Marie Duru-Bellat sur L'inflation scolaire (2006). Mais cette question de l'échec à l'université ne doit pas masquer un phénomène tout aussi préoccupant : les sorties sans qualification du système scolaire par an s'échelonnent de 110 000 à 170 000 selon le mode de calcul retenu (Dubreuil et al., 2005).

Comme dans le cas du soutien scolaire, le secteur privé utilise les fragilités du modèle public et en particulier le cloisonnement des dispositifs. Alors que toutes les études insistent sur la nécessité de développer les pratiques partenariales, toute collaboration de l'institution avec d'autres réseaux, publics ou privés, semble difficile à mettre en oeuvre. De même, la flexibilisation des parcours dans le cadre du LMD, l'internationalisation croissante des formations, les dispositifs visant à favoriser la mobilité des travailleurs et le développement de la validation des acquis de l'expérience (VAE) ouvrent la voie à de nouveaux espaces de concurrence où l'orientation devient un enjeu stratégique pour les acteurs de la formation et de l'emploi, dans la perspective de la formation tout au long de la vie.

Ces difficultés ne sont cependant pas propres à la France : de nombreux pays se sont engagés ces dernières années sur la voie de la rénovation des modes d'organisation et de fonctionnement de leurs services d'orientation. Au niveau international, des organismes tels que l'OCDE et le CEDEFOP (Centre européen pour le développement de la formation professionnelle) cherchent à promouvoir des standards de qualité et de nouveaux outils au service de la « guidance » professionnelle, initiatives dont l'objectif n'est pas tant la réduction des inégalités que la reconnaissance des compétences tout au long de la vie.

Le rôle clé de l'orientation en matière de politique publique est affirmé : les objectifs nationaux en termes d'apprentissage tout au long de la vie, d'insertion sociale, de régulation du marché du travail et de développement économique ont tous à voir avec l'orientation (OCDE, 2004 ; Sultana, 2004). Plus spécialement, l'orientation est définie comme « un ensemble de services visant à aider tous les citoyens, quel que soit leur âge, à prendre des décisions conscientes en termes d'éducation, de formation et de profession et à gérer leur carrière à toutes étapes de leur vie » (CEDEFOP). De tels services, publics et privés, doivent selon le CEDEFOP répondre à la fois aux besoins des individus et à ceux de la société et de l'économie.

Alors que cette « orientation tout au long de la vie » devrait permettre de dédramatiser la « première orientation », la logique de répartition / sélection qui la sous-tend stigmatise fortement ceux qui sont orientés, voire réorientés. La tentation de considérer l'orientation comme un palliatif pour les élèves en difficulté scolaire reste forte : les élèves qui poursuivent dans les voies générales ne sont en effet pas à proprement parler « orientés ». Et il ne s'agit pas tant de rechercher un égalitarisme purement formel que de veiller à une certaine équité dans les prestations offertes.

L'ensemble de ces mutations fragilise les politiques publiques, tant une véritable rénovation de l'orientation nécessiterait la conception d'une vision stratégique globale et serait susceptible d'affecter les formes d'organisation mêmes de l'école... et de l'université. Entre une orientation « scolaire » souvent asservie aux résultats de l'élève, et une orientation « professionnelle » dominée par l'incertain, comment se (re)positionner ? Entre une orientation subie et une orientation active, comment trouver un équilibre pour concilier les logiques propres au système et celles des individus ? Entre qualification et insertion, entre savoirs et compétences, quelles missions pour l'école ?

Abstract : 
In France, educational guidance has a bad press: it is still perceived as a set of procedures which aim to restrict the initiative and choices of pupils and families in favour of a management-type logic which controls and plans flows of pupils through the educational system. The procedure that one would like to imagine as being negotiated on a tripartite basis (pupils and parents; form tutors and teaching staff; guidance practitioners), under the arbitration of the school principal, seems to be a shaky one.

Added to this subordination to what schools have to offer and to pupils' results, still a meaningful one despite the 1989 education act, is the cleavage between training and employment: using employment to drive guidance is today perceived as unrealistic, in a social and economic context in which career paths are less and less predictable. In parallel with this, school democratization is not keeping its promises: 80.000 people are leaving school without a higher education diploma and job insecurity is growing. It is only necessary to (re)read Stéphane Beaud's, 80% au bac... et après? (2002), or Marie Duru-Bellat's L'inflation scolaire (2006) to be convinced of this. But this question of failure at university level should not be allowed to mask a phenomenon that is at least as worrying: school-leavers with no qualification at all number between 110000 and 170000 depending on how the figures are calculated (Dubreuil et al., 2005).

As is the case with Afterschool tutoring, the private sector makes use of weaknesses in the public model, and in particular of the fact that different school paths work in isolation from each other. While all studies stress the need to develop partnerships, any form of collaboration between the institution and other networks, whether these be public or private ones, seems to be difficult to implement. Similarly, now that paths through the two-cycle degree structures from the Bologna process have become more flexible, that training is becoming increasingly international, that arrangements have been made to encourage worker mobility and that professional experience can be counted towards a diploma, the way is clear for new areas of competition in which guidance becomes a strategic issue for those involved in training and employment, with the prospect of being able to benefit from lifelong training.
These difficulties are not restricted to France alone: a number of countries have, over the last few years undertaken makeovers of the way in which their guidance services are organised and operate. Internationally, agencies such as the OECD and the CEDEFOP (European centre for the Development of Vocational Training) are attempting to promote quality standards and new tools for careerguidance, initiatives which aim not so much to reduce inequality as to recognise skills on a lifelong basis.

The key role of guidance in the area of public policy needs no restatement: national objectives in terms of lifelong learning, social integration, regulating the labour market and economic growth all have to do with guidance (OECD, 2004; Sultana, 2004). More specifically, "the term "information, guidance and counselling services" refers to services intended to assist individuals, of any age and at any point throughout their lives, to make educational, training and occupational choices and to manage their careers" (CEDEFOP). Such services, both public and private, should, according to the CEDEFOP meet with the needs of individuals, society and the economy.

Whilst this "lifelong guidance" ought to make it possible to take the drama out of "the first pathway chosen", the underlying logic of streaming strongly condemns those who are sent down first one pathway, then another. The temptation to view guidance as a palliative for pupils with learning difficulties remains a strong one: pupils who continue along general educational paths cannot be said to be "guided" in the strict sense of the term. And it is not so much a question of attempting to achieve a purely formal egalitarianism as of making sure that there is a certain fairness in the guidance services on offer.

All these changes weaken public policy, so great is the extent to which a true makeover of guidance would require a global strategic vision to be conceived, and this would be likely to affect the very forms of organisation of school... and university. Between "educational" guidance, often the slave to the pupil's results, and "career" guidance, dominated by the uncertain, what stance should one take? Between streaming that one undergoes and guidance in which one plays an active role, how can a balance be struck which would reconcile the logic which is proper to the system and that of individuals? Between qualification and integration, knowledge and skill, what should the school's mission be?

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