Rendre propre. Une enquête multi-située sur un travail éducatif (France, Russie, Norvège)
Auteur(s) : CHANTSEVA Victoria
Date de soutenance : 2022
Thèse délivrée par : Université Sorbonne nouvelle-Paris 3
Section(s) CNU : section 19 : Sociologie, démographie, section 70 : Sciences de l'éducation
Sous la direction de : Pascale GARNIER
Jury de thèse : Gilles BROUGÈRE ; Sandrine GARCIA ; Pascale GARNIER ; Cyril LEMIEUX ; Juliette RENNES ; Stéphanie RUBI
"L’enquête, que cette thèse restitue, s’intéresse à l’apprentissage de « la propreté sphinctérienne » via l’étude des représentations et des prescriptions normatives qui y sont associées, des expériences des mères (parents), des objets des enfants et du travail des professionnelles de la petite enfance dans trois contextes nationaux : en France, en Russie et en Norvège. De fait, ce processus d’apprentissage est empreint d’une diversité de représentations et de prescriptions afférentes à l’âge, aux attitudes attendues des adultes et aux interdits caractéristiques des pratiques éducatives. À partir du constat des tensions normatives propres à ce processus et de l’ambivalence sous-jacente à ces tensions – relative au contrôle tantôt « externe », tantôt « interne » au corps de l’enfant, l’analyse cherche à comprendre les ressorts de la transformation de cet apprentissage en une « acquisition naturelle », les ruptures et les différends que suscite ce sujet et les mécanismes par lesquels s’établissent les consensus. Au-delà de prendre acte de « différences culturelles » entre trois contextes nationaux, la démarche comparative adoptée met en exergue le rôle des institutions, des industries, des groupes professionnels, et des formes de collaboration à l’intérieur et à l’extérieur de l’espace domestique. Ce faisant, cette démarche permet de montrer comment le contrôle des « besoins naturels » relève de processus non pas « naturels », mais sociaux. Dans un premier temps, en mobilisant le concept « d’informalisation », cette thèse retrace l’évolution des représentations et des prescriptions éducatives à partir de l’analyse de manuels de puériculture, et distingue ainsi trois modèles normatifs d’apprentissage (« dressage », « coopération », « autonomie »), qui se succèdent. Cette succession reflète, d’une part, un assouplissement, sur le plan discursif du moins, de la hiérarchie enfants-adultes, dont un effet collatéral est la délégitimation d’une imposition autoritaire de la maîtrise du corps. D’autre part, cette évolution renvoie à une transformation du travail domestique, et du mouvement sous-jacent, décliné différemment selon les pays, de naturalisation des contraintes sociales. Autrefois objet d’inculcation disciplinaire, la propreté devient une expression de maturation « naturelle » du corps et d’une volonté « naturelle » de l’enfant de grandir. Par l’analyse des prescriptions normatives à l’endroit des objectifs et de « erreurs » parentales, cette recherche montre comment le tabou récent de la coercition révèle en définitive des difficultés à rendre explicite la « contrainte civilisationnelle », désormais naturalisée, et des raisonnements préventifs qui anticipent les oppositions potentielles des enfants. Dans un deuxième temps, à partir d’observations ethnographiques et d’entretiens, cette thèse examine les conflits normatifs autour des articles de puériculture (couches jetables), des objets des enfants (albums, récompenses), ainsi que des tensions normatives qui émergent dans les situations et les lieux de confrontations des pratiques éducatives domestiques et institutionnels (lieux d’accueil de la petite enfance). Tout en soulignant les spécificités des configurations institutionnelles françaises, l’argument général développé dans cette thèse vise à montrer comment se déploient les contraintes liées à la prise en charge des jeunes enfants et les épreuves de coopération entre les personnes impliquées dans le partage du « sale boulot » de l’hygiène."
URL : https://hal.science/tel-03928789v1
mot(s) clé(s) : petite enfance et pré-primaire (ou école maternelle), santé et bien-être
