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Pays : France       Langue(s) : français 

Le Brevet Informatique et Internet (B2i) : d’un geste institutionnel aux réalités pédagogiques


Auteur(s) :  DEVAUCHELLE Bruno

Date de soutenance :  2004

Thèse délivrée par :  Université Paris 8

Section(s) CNU :  section 70 : Sciences de l'éducation

Discipline(s) :  Sciences de l'éducation

Sous la direction de :  Geneviève JACQUINOT

Jury de thèse :  Baron, Georges-Louis/Bruillard, Eric/Cerisier, Jean-François

  Le développement de l’informatique dans la société a entraîné, depuis 1970, un effort continu d’intégration dans le système scolaire de l’ordinateur et plus largement des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) L’informatique qui s’est d’abord développée dans les universités et les entreprises a pris une place de plus en plus grande dans la vie quotidienne et est présente désormais dans de nombreux foyers et espaces publics. Quelle place réserver à ces artefacts technologiques à l’école ? La publication des textes relatifs au Brevet Informatique et Internet, au mois de novembre 2000 représente un pas de plus dans le développement des TIC dans l’éducation comme dans la société en général. Le B2i, instauré à l’école et au collège, apparaît au moment où les usages des TIC se multiplient en dehors même du système scolaire. Peut-on penser que le B2i soit une tentative de prise en compte de ce nouvel état de fait ? Au croisement des Sciences de l’Éducation, des Sciences de l’Information et de la communication, et de la sociologie des innovations, notre recherche analyse, à partir du geste institutionnel à l’origine du B2i et de sa mise en œuvre, le développement du processus d’appropriation de l’usage des TIC par les élèves et leur prise en compte dans le système scolaire. La sociologie des usages et l’approche de la traduction fournissent un cadre interdisciplinaire d’étude du processus d’innovation et de construction sociale des usages. Notre travail, interrogeant la place donnée aux enseignements des compétences d’usages des TIC dans le contexte scolaire, tend à rapprocher le concept d’apprentissage de celui d’appropriation, pour analyser et comprendre une évolution dont le B2i est un indicateur. L’arrivée du B2i, si elle a surpris l’ensemble des acteurs du système éducatif, correspond pourtant à une évolution et à un processus de maturation d’un groupe de responsables qui ont proposé à la communauté un dispositif innovant. La diffusion des réformes et des nouveautés dans le système scolaire est un processus complexe qui, pour le B2i, prend une forme d’autant plus étonnante qu’il ne dérange apparemment pas, structurellement, l’organisation scolaire. La mise en œuvre du B2i, inscrite dans une dynamique d’intégration des TIC témoigne-t-elle d’une évolution qui prend en compte les nouvelles modalités d’usages des technologies par les jeunes élèves ? De nature à la fois politique, institutionnelle, organisationnelle et pédagogique – voire culturelle – la mise en place du B2i, à laquelle nous avons participé, dans le cadre de notre activité professionnelle a rencontré un certain nombre de questions que nous nous étions posées comme formateur d’enseignants et auxquelles ce travail de recherche tente de répondre Comment se situe cette création dans l’histoire du développement de l’informatique à l’école ? Ce sera l’objet notre première partie qui cherche à souligner les différents repères chronologiques de cette évolution et leur signification, notamment par rapport à d’autres changements disciplinaires et aux finalités de l’école : l’informatique entre enseignement obligatoire ou optionnel, entre nouvelle discipline ou nouvelle modalité cognitive, entre contenus d’enseignement et pratiques sociales ? Comment a été préparée cette « invention institutionnelle » ? Comment a-t-elle été orchestrée, soutenue et suivie et par qui ? A partir de documents de statuts divers et de témoignages de responsables, nous avons tenté, dans la seconde partie, d’en reconstituer la genèse. Nous avons montré comment ce nouveau brevet s’est imposé du fait de l’évolution du contexte social d’usage des TIC et compte tenu de la difficulté récurrente à intégrer les TIC dans les pratiques pédagogiques depuis de nombreuses années. Comment est-on passé des textes officiels d’ailleurs très rapidement élaborés, dans le cas du B2i, aux mises en œuvre dans les établissements scolaires ? Le faible taux de B2i organisés dès la première année (évalué à 20 % environ) est un des premiers indicateurs. Nous avons aussi collecté de nombreux documents issus de sources multiples et leur analyse, liée à notre propre implication et à des observations sur le terrain de classes primaires nous a permis de caractériser le processus de “ mise en œuvre ” (ou de “ non mise en œuvre ”). Il ressort en effet que, comme pour d’autres tentatives d’intégration des TIC dans le systèmes scolaire, la “ forme scolaire ” et l’absence de formation des enseignants constituent un réel frein à la mise ne place du B2i, ce dont témoigne amplement notre troisième partie. Enfin, puisque, comme nous l’affirmions dès notre introduction et comme en témoignent plusieurs enquêtes, les élèves, du moins pour la majorité d’entre eux, sont des usagers des TIC, notamment des cédéroms et d’Internet en dehors de l’école, on peut se demander d’où viennent les compétences d’usage que le B2i se propose d’évaluer ? Cela motive l’enquête de notre quatrième partie menée auprès de 223 élèves de huit établissements primaires et secondaires, publics et privés, basée sur des questionnaires complétés par des entretiens individuels : elle met en évidence l’importance des usages non scolaires des TIC, quelle que soit l’origine sociale des élèves, avec quelques différences cependant. La place des usages familiaux y est prépondérante et constitue un contexte complexe d’appropriation. Elle révèle aussi la nécessité de l’articulation entre l’école et le “ hors-l’école ” pour permettre à tous une véritable maîtrise dans l’usage des TIC. L’ « invention institutionnelle » que constitue le B2i a jusqu’à présent trouvé peu d’écho dans le système scolaire et le processus qui permet le passage d’une « invention » à une « innovation » voire à une « adoption » n’a pu être observé, trois ans après la publication des premiers textes relatifs au B2i. D’une part, le système scolaire, et en particulier le collège, ne parvient à faire écho ni à la demande des élèves, ni aux injonctions – certes parfois paradoxales - de l’institution ; d’autre part le processus d’appropriation des usages des TIC par les jeunes continue de se développer en dehors du système scolaire. Il se peut qu’à l’instar de ce que pronostiquait Michel Tardy à propos de l’audiovisuel dans les années soixante soixante-dix, se construise dans le système éducatif, un usager idéal des TIC, très éloigné de l’usager réel que nous avons rencontré.. Le B2i, témoignant de la volonté de réduire l’écart entre ces deux usagers, confirme la crainte des responsables politiques et institutionnels de voir s’aggraver la fracture numérique.