Veille et analyses de l'ifé

Entre recherches et pratiques

   Vous êtes ici : Accueil » Actualités des thèses » Détails de la thèse

Pays : France       Langue(s) : français 

Justice sociale et enseignement supérieur : une étude comparée en Angleterre, en France et en Suède


Auteur(s) :  CHARLES Nicolas

Date de soutenance :  2013

Thèse délivrée par :  Université Bordeaux-Segalen - Bordeaux 2

Section(s) CNU :  section 19 : Sociologie, démographie

Sous la direction de :  François DUBET

Jury de thèse :  Dubet, François ; Galland, Olivier ; Lebeau, Yann ; Musselin, Christine ; Verdier, Eric

  « La comparaison internationale sur laquelle repose la thèse vise à analyser la signification sociale que peut prendre la justice dans le cadre des études supérieures et de l’expérience des étudiants. En empruntant aussi bien à la sociologie de l’expérience qu’aux théories de l’action publique et qu’à la philosophie appliquée de la justice, il s’agit de dépasser une vision normative de la définition de ce qui est (in)juste, bien souvent limitée au seul examen des inégalités d’accès aux études selon l’origine sociale. En complément des travaux portant sur les inégalités dans l’enseignement supérieur, ce travail cherche à identifier les conceptions de justice – largement implicites – qui fondent la légitimité de ces inégalités, ainsi que les mécanismes sociaux qui contribuent à mettre en acte cette recherche de justice sur quatre dimensions cruciales pour les étudiants : le financement des études, les mécanismes de sélection et d’admission, l’accès à l’emploi et, enfin, les modalités de formation. A cette fin, cette recherche s’attache constamment à analyser les expériences individuelles des étudiants au regard de l’agencement d’institutions et de normes sociales, qui fonde l’organisation propre à chaque système d’enseignement supérieur.
Dans le droit fil des analyses en termes de modèles sociaux, et afin de rendre compte de l’influence du contexte national sur la définition de la justice dans l’enseignement supérieur, cette thèse compare trois pays aux systèmes d’enseignement supérieur massifiés mais présentant des histoires et des structures universitaires variables: l’Angleterre, la Suède et la France.
Fondée sur le croisement d’une étude documentaire (rapports publics notamment), d’une analyse secondaire d’enquêtes quantitatives (en particulier les enquêtes Eurostudent III et Reflex) et d’une soixantaine d’entretiens semi-directifs conduits auprès d’étudiants, cette thèse met en lumière la diversité des interprétations de la justice selon les pays, et témoigne, en définitive, de la cohérence des systèmes nationaux d’enseignement supérieur tant en termes de formes d’expérience étudiante, de modes d’organisation des études que de conceptions de la justice dans l’enseignement supérieur.
Ce travail a ainsi permis d’établir que, les études constituant une période de la vie, quasiment statutairement dédiée à la formation initiale, le souci de l’insertion professionnelle prime, en France, sur toute autre fonction sociale des études supérieures. Or, tel n’est pas la règle, ni en Suède, où les études, ne représentant qu’une activité sociale parmi d’autres, relèvent d’une quête d’épanouissement personnel, ni en Angleterre, où les étudiants aspirent à apprendre de leurs études, expérience qui englobe la formation mais également l’ensemble de la vie sociale à l’Université et au-delà de ses murs. Cette thèse approfondit également l’exploration, dans l’enseignement supérieur, des modèles d’action publique traditionnellement perçus comme marchand en Angleterre, universaliste en Suède et académique en France. Enfin, elle met en lumière la façon dont les principes de justice (égalité, mérite, autonomie) sont hiérarchisés, articulés et interprétés dans ces trois systèmes d’enseignement supérieur, et les mécanismes sociaux par lesquels ces conceptions de justice sont mises en œuvre dans la pratique. Elle permet alors de relativiser la notion d’« études supérieures », telle qu’elle est conçue en France, et de mettre au jour la nature éminemment sociale de la caractérisation, comme justes ou injustes, des inégalités dans l’enseignement supérieur.
En définitive, le système anglais intègre les étudiants au sein d’une communauté universitaire forte, repose sur un modèle marchand et se donne comme objectif d’atteindre la compétition la plus équitable possible, tout en développant une autonomie plus large de choix pour les étudiants. Le système suédois est construit autour d’individualités autonomes, insérées dans un cadre organisationnel uniforme dont le but est de garantir l’égalité entre tous les citoyens. Dans le système français, les étudiants, pris dans des processus scolaires élitistes et dans une conception républicaine et corporatiste de l’égalité, s’inscrivent dans une logique stratégique marquée par l’injonction à l’insertion professionnelle. Dans chacun des pays, la justice repose ainsi sur un principe idéalisé : l’autonomie individuelle en Angleterre, l’égalité sociale en Suède, la méritocratie scolaire en France. Si chaque système d’enseignement supérieur en vient à définir une conception de justice qui lui est propre, bien au-delà du traditionnel objectif de l’égalité des chances, c’est que, en France comme en Angleterre et en Suède, il s’inscrit dans un contexte historique et sociétal, notamment via le modèle universitaire séculaire qui imprègne chaque pays, qui a peu à peu façonné les pratiques et les représentations des acteurs sociaux. »


      Abstract
      Social justice and higher education
      A comparative study of England, France and Sweden


      « This thesis dissertation uses international comparison as an analytical tool for studying the very social meanings of justice in the context of higher education and student experience. Drawing on numerous sources including the sociology of experience, public action theories as well as the applied theory of justice, the aim is to look beyond normative approaches to the definition of what is (un)just, often focusing exclusively on the question of unequal access to higher education according to social background. Complementing the existing literature on inequalities in higher education, this dissertation seeks to identify the – largely implicit – conceptions of justice that justify these forms of inequality. It also explores the social mechanisms that implement the aim of greater justice on four issues of crucial importance to students: selection and admittance processes, transition to work, the pathways of studies and, finally, their financing. In this perspective, emphasis is put on relating the individual experience of students to the organisational structure of each higher education system, defined by its institutional settings and prevalent social norms.
      In an effort to better isolate the influence of national context on the definition of justice in higher education within the framework of a wider comparison of social models, this dissertation considers the case of three countries: England, France and Sweden. All three have long-established mass-education systems; yet they present significant variance in terms of history and institutional structure.
      Combining the study of documentary sources (including public reports), a secondary analysis of quantitative surveys (most notably Eurostudent III and Reflex) and the results of sixty or more semi-directive interviews with students, this dissertation sheds light on the cross-national diversity of interpretations of justice and confirms the consistency of national higher education systems in terms of student experience, modes of organisation and conceptions of justice.
      The following conclusions are defended on the basis of this work. First of all, in France, where studies are conceived as a period of initial training, transition to work is a primary
      concern that outweighs any other social function of higher education. That is not the case however in Sweden, where studies are considered as a social activity among others and part of a quest for personal realisation; nor is it the case in England, where students aim to a learning experience from their studies – a notion that covers academic content but also the whole experience of University social life, both within and outside the walls of the institution. Secondly, it deepens the exploration of public action models in the context of higher education, models that are traditionally perceived as marketised in the English case, universalistic in the Swedish case and academic in the French one. Lastly, it also specifies the particular ways in which principles of justice (equality, merit, autonomy) are ordered, articulated and interpreted in these three systems, as well as the social mechanisms through which they are applied in practice. In doing so, it allows us to put into perspective the notion of “higher studies” as conceived in France, and to highlight the eminently social nature of the characterisation, as just or unjust, of inequalities in higher education.
      Overall, the English system integrates students into a strong university community, relies on a marketised model and aims to create a level-playing field while developing freedom of choice for the students. The Swedish system is centred around autonomous individuals who evolve within a uniform organisational context whose mission is to guarantee equality between all citizens. Students in the French system, caught between elitist educational processes and a republican and corporative conception of equality, follow a strategic logic guided by employment perspectives. In each of these countries, justice takes the form of a different idealised principle: individual autonomy in England, social equality in Sweden, educational meritocracy in France. If each system has come to define the notion of justice in higher education in a way that is specific to it – beyond the traditionally common reference to promoting equality of opportunity –, it is because each one is rooted in a distinctive historical and societal context. In this respect, longstanding university models in all three countries have slowly shaped the practices and representations of their respective social actors. »

      URL :  http://www.theses.fr/s27577


      mot(s) clé(s) :  enseignement supérieur