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Rapport à l'école et rapport de genre chez les élèves de lycée professionnel. Pour une pensée relationnelle de l'expérience scolaire des filles et des garçons de milieux populaires


Auteur(s) :  DEPOILLY Séverine

Date de soutenance :  2011

Thèse délivrée par :  Université Paris 8

Section(s) CNU :  section 70 : Sciences de l'éducation

Sous la direction de :  Jean-Yves ROCHEX

Jury de thèse :  Barrère, Anne ; Eckert, Henri ; Faure, Sylvia ; Sirota, Régine ; Thériy, Irène

  « Notre thèse est consacrée à l’étude des expériences scolaires différenciées des filles et des garçons de milieux populaires. Si le débat sur le genre à l’école s’est longtemps centré sur la question de la place des filles dans l’école, nous nous sommes plus précisément interrogée, dans le contexte des années 2000, sur ce que le débat public et le sens commun ont souvent posé comme le problème de l’échec scolaire des garçons de milieux populaires. L’enquête ethnographique que nous avons menée durant quatre années dans un lycée professionnel de la région parisienne nous a permis d’interroger les expériences scolaires des filles et des garçons au parcours relativement homogène : les lycées professionnels accueillent le plus souvent un public captif qui a rarement fait le choix de son orientation. Pour autant, dans ce type de contexte, continuent de s’observer des différences importantes entre ces filles et ces garçons majoritairement issus des milieux populaires. Il ne s’agit pas ici pour nous de décrire des comportements, des attitudes de filles et de garçons qui prendraient une valeur explicative absolue mais de tenter de cerner ce qui participe à façonner les expériences scolaires des filles et des garçons de milieux populaires.
Notre écrit se divise en trois moments. Tout d’abord, par une revue des travaux sur le genre et de travaux de sociologie de l’éducation, nous avons tenté de montrer l’importance d’une pensée relationnelle de la différence des sexes (Théry, 2009) : au-delà des caractères, des comportements, des attitudes, hommes et femmes, filles et garçons, adoptent des manières d’être et de faire éminemment relationnelles qui ne peuvent être pensées comme des propriétés intrinsèques des individus. Les expériences scolaires des filles et des garçons sont envisagées comme le fruit d’une co-expérience contextualisée historiquement, socialement et géographiquement. Pour étudier et analyser les scolarités différenciées des filles et des garçons, pour saisir le sens et la portée de ce que nous avons envisagé en termes de manières d’être et de faire des filles et des garçons dans la classe, nous avons ainsi considéré essentiel de penser les rapports sociaux de sexe comme enchâssés dans d’autres rapports de domination et notamment des rapports de classe. L’enjeu d’une pensée de la différence des sexes à l’école en termes relationnels a aussi été celui de pouvoir considérer l’inscription des unes et des autres dans des dynamiques, des processus : c’est la prise en compte des dynamiques de socialisation verticale, horizontale et des dynamiques de classe qui permet de prendre la mesure de ce qui participe à façonner les expériences scolaires des filles et des garçons de milieux populaires.
Dans le deuxième moment de notre écrit, après avoir présenté les conditions et les modalités de notre enquête ethnographique, à partir de l’analyse de nos matériaux d’observation des espaces hors la classe (vie scolaire et espaces interstitiels de l’école) et des espaces classes, nous avons montré comment filles et garçons s’inscrivaient distinctement dans chacun de ces espaces et s’inscrivaient de fait distinctement dans des rapports aux adultes de l’institution scolaire. L’étude des rapports au corps, aux voix, aux gestes, au temps, largement imprégnés, pour les unes et pour les autres, des modes de sociabilité juvénile nous a permis de montrer que, lorsqu’ils sont hors des classes ou dans les classes, en situation de devoir se confronter aux tâches scolaires, en situation d’interaction entre eux ou avec des adultes, les filles et les garçons ne parviennent pas pareillement à maintenir le lien avec l’école et ses agents. Les analyses quantitative et qualitative des rapports d’incident auxquelles nous avons procédé nous ont conduite à considérer la part plus importante prise par les garçons dans les actes de transgression scolaire et leur manière fortement imprégnée des modes de sociabilité juvénile masculins de « cité » (Mauger, Lepoutre, Beaud, Moignard) de transgresser. De même, l’observation des filles et des garçons dès lors qu’ils ont à rendre compte de leur transgression à un adulte a montré que filles et garçons s’inscrivaient dans des modes distincts de faire face à la transgression de l’ordre scolaire, modes de faire dont il est apparu qu’ils leur faisaient différemment prendre le risque de la rupture avec l’école. Considérer la place prise par les modes de sociabilité juvénile a été essentiel pour saisir la complexité des dynamiques et des processus dans lesquels filles et garçons sont inscrits.
Le dernier moment de notre réflexion a été l’occasion de préciser et de prolonoger notre réflexion sur ces filles et garçons scolarisés en lycée professionnel peu qualifié de la proche banlieue parisienne. Par la mise en place d’une enquête comparative exploratoire auprès de filles et de garçons scolarisés dans les mêmes types d’établissement professionnel dans la région rémoise, nous avons souhaité ouvrir des pistes de recherche signifiantes de la nécessité d’une pensée non-homogénéisante des expériences scolaires des filles et des garçons des milieux populaires. En effet, dans d’autres contextes économiques et sociogéographiques, les élèves de l’enseignement professionnel – et peut-être avec plus de force les garçons – peuvent encore mettre en œuvre un habitus ouvrier « traditionnel » alors même que les modes d’être et de faire observés, notamment chez les garçons de banlieue parisienne, semblent être bien plus le fait de l’affirmation d’un habitus, d’une sous-culture juvénile de la cité. »



      URL :  http://www.theses.fr/s30314


      mot(s) clé(s) :  enseignement et formation professionnels, genre