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La mobilité étudiante, entre mythe et réalité


n° 51, février 2010   

 

Auteur(s) :  Laure Endrizzi

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Résumé : 
20% d'étudiants diplômés mobiles d'ici à 2020 ? Le défi lancé dernièrement par les ministres de Bologne est de taille, quand on a à l'esprit que moins de 3% des étudiants d'Europe sont bénéficiaires actuellement d'une expérience de mobilité...

Cet objectif, si ambitieux soit-il, traduit les changements de perspective et d'échelle que connaît la mobilité étudiante depuis une vingtaine d'années : une progression inédite des effectifs, proportionnelle à celle de la population étudiante globale, de nouvelles stratégies de la part des États qui la perçoivent comme un levier de développement économique, et de la part des établissements d'enseignement qui la considèrent comme un avantage concurrentiel pour leur rayonnement culturel et scientifique. Tout l'enseignement supérieur s'internationalise, avec des diplômes, des programmes d'études et des établissements qui deviennent « mobiles », tandis que la mobilité étudiante, loin de se limiter à un programme tel qu'Erasmus, s'intensifie et se diversifie.

Difficile toutefois de s'en faire une représentation précise : malgré des évolutions sensibles dans la dernière décennie, les programmes internationaux de collecte statistique (UOE, IEM, etc.), présentent des biais importants : mobilités courtes non comptabilisées, mobilité encadrée et mobilité spontanée non distinguées, assimilation des étudiants étrangers aux étudiants mobiles, etc. À l'échelle mondiale, on observe une polarisation forte des migrations estudiantines tant en termes de flux sortants que de flux entrants (cf. encadré).

Dans ce paysage, l'Europe occupe une position singulière à double titre : elle constitue la région la plus avancée dans la construction d'un espace d'enseignement supérieur, basée sur les lignes d'action du Processus de Bologne et sur les initiatives de l'UE-27 ; elle est également la seule région à représenter une destination de choix à la fois pour ses ressortissants (de 4 étudiants sur 5) et pour les étudiants originaires d'autres régions du monde (1 étudiant sur 2). Malgré cette mobilisation, les avancées des pays signataires de Bologne sont très inégales et ne gomment ni les cultures nationales, ni les cultures d'établissement ; l'impact sur la mobilité étudiante reste difficile à évaluer, tant les regards sont tournés vers les disparités de déploiement au niveau des États.

Cette absence de cohérence est particulièrement sensible en matière de portabilité des aides financières par exemple : les conditions d'octroi sont telles parfois qu'on imagine mal comment la portabilité pourrait stimuler effectivement la mobilité. Le système de crédits ECTS est également déficient, basé sur des contenus hétérogènes et des pratiques tout aussi diverses : plus d'un tiers des étudiants Erasmus ne bénéficient pas d'une reconnaissance intégrale de leur période d'études, en raison d'un défaut de négociation entre les parties ou bien de réticences de la part de l'établissement d'origine. Parallèlement, les établissements développent des stratégies d'alliances pour ne contracter qu'avec ceux qui leur ressemblent, reproduisant ainsi l'ordre des inégalités de prestige et fragilisant les initiatives individuelles des étudiants.

Leurs motivations sont quoi qu'il en soit largement influencées par leurs origines socio-économiques et géographiques, leur environnement linguistique et culturel. Issus d'un milieu social plutôt favorisé, les étudiants Erasmus ont une appétence forte pour les langues et ne sont pas des voyageurs novices. Malgré une expérience globalement positive, ils sont nombreux à déplorer la non-rencontre avec les étudiants locaux, à regretter la concentration des sociabilités sur le groupe de pairs (les autres étudiants étrangers) et l'usage excessif de l'anglais langue véhiculaire dans les pays non anglophones. Faut-il dès lors être accompagné pour apprendre à devenir un étranger ?
Si la reconnaissance de la période d'études est problématique, l'expérience de mobilité n'augmente guère l'employabilité mais l'oriente. Les analyses ne permettent pas de conclure à un impact sur le niveau de salaire, ni sur le niveau hiérarchique de l'emploi occupé ; les jeunes diplômés bénéficiaires d'une mobilité accèdent à des emplois qui sollicitent davantage les compétences internationales. D'une façon générale, la mobilité étudiante semble aller de pair avec une mobilité ultérieure, professionnelle ou non, internationale ou non.

Télécharger aussi la version En bref (2 pages) et L'essentiel (4 pages).

Abstract : 
20% of students graduating in the European Higher Education Area with a study or training period abroad by 2020 ? The challenge presented recently by the Bologna ministers is a sizeable one, when one bears in mind that less than 3% of students in Europe currently benefit from a mobility experience.

This objective, however ambitious it may be, signals the changes in perspective and scale that student mobility has been undergoing for around twenty years: an unprecedented growth in numbers, proportional to that of the total student population, new strategies from the States who perceive it as a lever for economic development, and from educational institutions who regard it as a competitive advantage for the cultural and scientific impact they have.

The whole of higher education is becoming internationalised, with qualifications, programmes of study and institutions becoming "mobile", while student mobility, far from being limited to programmes such as Erasmus, is intensifying and diversifying. It is nevertheless difficult to get an accurate idea of what this means: in spite of significant developments over the last decade, the international statistical data collection programmes (Unesco, OECD, Eurostat database, World Education Indicator, etc.), are noticeably biased: short periods of mobility not counted, no distinction made between supervised and spontaneous mobility, foreign students counted as mobile students, etc. On a worldwide scale, a large amount of polarisation of student migration is to be observed in terms of both outgoing and incoming flows (cf. box).

Within this setting, Europe occupies a singular position on two counts: it is the most advanced arena in terms of the construction of a higher education arena, based on the lines of action of the Bologna Process and on the initiatives of the UE-27; it is also the only region to be a destination of choice for both European nationals (4 students out of 5) and for students from other regions of the world (1 student out of 2). In spite of this mobilisation, the progress made by the countries that signed the Bologna agreement is very uneven and cannot erase either national or institutional cultures; the impact on student mobility remains difficult to evaluate, such is the extent to which attention is turned towards the disparities of deployment at the level of the States.

This lack of coherence is particularly noticeable as regards the portability of financial aids for example: the conditions for granting these are sometimes such that it is hard to imagine how portability could really stimulate mobility. The credit system ECTS (European Credit Transfer and accumulation System) is also defective, based as it is on heterogeneous contents and just as diverse practices: more than one third of Erasmus students do not benefit from full recognition from their study period, because of inadequate negotiation between the parties or reserves on the part of the home institution. In parallel, institutions develop alliance strategies so as to contract only with those which resemble them, thereby reproducing the order of inequalities of prestige and weakening individual student initiatives.

Their motivations are at all events largely influenced by their socio-economic and geographical origins, and their linguistic and cultural environment. Coming from a fairly privileged social environment, Erasmus students have a strong liking for languages and as travellers are by no means beginners. In spite of an overall positive experience, many express regret at not meeting local students, at the fact that socialising tends to concentrate on the peer group (other foreign students) and at the excessive use of English as a working language in non-English-speaking countries. Is there therefore any need to be accompanied in order to learn how to become a foreigner?

While recognition of the study period is problematic, the experience of mobility hardly increases employability but guides it. Analyses do not make it possible to conclude that there is an impact on the level of salary, nor on the level of seniority in the employment obtained; young graduates who have benefited from mobility have access to jobs which call more on international competencies. Generally, student mobility seems to go hand in hand with later mobility, professional or otherwise, international or otherwise.

Download the Key findings (4 pages)