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Pays : France  Langue(s) : français 

Les pratiques d’éducation par « la nature » : Quels enjeux pour la formation des professionnel.le.s ? - Colloque international


Date :  du 19-07-2022 au 22-07-2022

Appel à communications ouvert jusqu'au :  30-04-2022

Lieu :  Domaine du Ciran, 45240 Ménestreau-en-Villette

Modalité :  présentiel

Organisation :  Institut des Mondes Anglophone (IMAGER) - Germanique et Roman

Le colloque est organisé par l'équipe Languenact, laboratoire IMAGER (EA 3958), Université Paris Est Créteil, en collaboration avec le laboratoire LIRDEF, (EA 3749), Université Paul Valéry Montpellier et l'association Sologna Nature & Culture.



Programme : 

Conférencières et conférenciers invités

Ziad DABAJA, chercheur en sciences de l’éducation, Université de Windsor (Canada),

Christine PARTOUNE, chargée de cours honoraire en didactique de la géographie à l'Université de Liège, Maitre-assistante honoraire en géographie (Haute Ecole Libre Mosane, Belgique),

Anne-Caroline PRÉVOT, directrice de recherche CNRS, (Muséum national d’Histoire naturelle, Paris),

Lucie SAUVÉ, professeure émérite en Didactique (Centre de recherche en éducation et formation relatives à l’environnement et à l’écocitoyenneté –Centr’ERE, Université du Québec à Montréal, Canada).

ARGUMENTAIRE

On assiste actuellement, en France, à l’essor fulgurant des démarches dites de « pédagogie par la nature », d’« éducation par la nature », d’ « éducation en plein air », d’« écoles-forêt » ou encore d’« école/classe dehors » . Envisagée massivement par la sphère médiatique comme réaction aux confinements engendrés par la pandémie de Covid-19, cette nouvelle hydre éducative à mille têtes interroge la communauté scientifique de par les enjeux éducatifs, environnementaux et formatifs qu’elle sous-tend.

S’appuyant sur les recherches statuant sur l’impact bénéfique de « l’expérience de nature » sur le développement des enfants, le colloque international « Les pratiques d’éducation par ‘la nature’ : quels enjeux pour la formation des professionnel.le.s » entend poser la question des enjeux pédagogiques et environnementaux autour de cette démarche éducative et celle des dimensions formatives et didactiques que ces enjeux sous-tendent.

L’éducation par « la nature », un paradigme moteur de transformation des pratiques

Dans la littérature anglo-saxonne, l’outdoor education, terme qui englobe à première vue l’ensemble des terminologies proposées dans le premier paragraphe, peut être défini comme « une pratique éducative qui se déroule dans des environnements extérieurs et/ou extrascolaires proches ou éloignés, qu'ils soient naturels ou artificiels, où les élèves ont la possibilité de s'engager dans une multitude d'activités d'apprentissage » (Dabaja, 2022, p.3). Au sein de l’outdoor education, les démarches dites de nature-based education et/ou de nature-based learning ou encore deforest school, que nous traduisons, en les englobant, par le terme d’ « éducation par la nature »[1] désignent la démarche que le courant de l’éducation relative à l’environnement (ERE) circonscrivait dès les années 1990 en tant que « perspective éducative où l’environnement correspond à l’une des trois sphères d’interaction à la base du développement personnel et social : soi-même (la psychosphère), les autres (la sociosphère) et l’environnement (l’écosphère), [ces trois sphères étant] étroitement reliées entre elles » (Sauvé, 1997, p.20). Dans cette perspective, la construction psychologique individuelle de l’enfant (développement de l’autonomie, de l’estime de soi, de la réflexivité, de la responsabilité, etc.) s’accompagne d’une prise de conscience de l’altérité (sentiment d’appartenance au groupe, et découverte des relations, de la coopération, de la citoyenneté, etc.) et de la construction de la relation au milieu de vie (développement de la conscience écologique, des connaissances naturalistes, de l’appartenance à l’écosystème global, etc.). Dans cette perspective et au sein de cette filiation avec l’ERE, l’éducation par la nature se différencie d’une démarche éducative strictement « environnementale » où « la nature » serait objet d’enseignement-apprentissage pour poser « la nature » comme étant indifféremment vecteur et objet d’apprentissage.

La communauté scientifique internationale semble s’accorder (cf. Dabaja, 2021 pour une revue de littérature exhaustive sur le sujet) sur le fait que l’engagement expérientiel des enfants dans des activités se déroulant au sein de milieux dits « naturels » - c’est-à-dire où l’humain se trouve entouré de végétaux, de minéraux et d’animaux - pourrait contribuer à améliorer les connaissances des enfants sur (a) différentes matières du programme scolaire, notamment les études sociales, les arts du langage, mathématiques, et/ou les sciences (Avci & Gümüş, 2020 ; Becker et al., 2017), et (b) l'environnement naturel (ibid. ; Marchant et al., 2019 ; Purc-Stephenson et al., 2019). En outre, on constate une amélioration des compétences physiques et de la santé mentale des enfants (Finn et al., 2018 ; Heras et al., 2020 ; Marchant et al., 2019) ainsi que de leurs compétences sociales et collaboratives (Waite & al., 2016).

En situation « hors les murs et ‘en nature’ », les pratiques d’accompagnement (rôles, postures, gestes professionnels) des adultes – que le contexte soit scolaire ou récréatif – et les croyances qui les sous-tendent semblent, d’un côté, répondre aux mêmes caractéristiques que les pratiques éducatives « classiques » (postures socio-constructivistes, étayages, médiations, sécurisation, « pédagogisation » de l’environnement et des processus d’apprentissage, attention portée à l’expérience directe et corporelle, etc.). De l’autre, elles paraissent s’émanciper de ces cadres, du fait même que l’environnement dit « naturel » peut appeler à un repositionnement quasi ontologique de l’individu (Cottereau, 2017 ; Morizot, 2020), tant en termes de prise de conscience de soi et des « autres », de responsabilité (perception du risque, en particulier – cf. Sandseter, 2020) qu’en termes de pédagogie (embodiement et approche enactive de l’apprentissage - Aden & Preller, 2020 -, pédagogie « ancrée dans le milieu » - Acheroy & al., 2020 ; Partoune, 2020, etc.).

L’analyse de ces pratiques d’accompagnement des enfants dehors interpelle nécessairement le champ de la formation pour adultes, notamment dans le domaine de la formation des enseignants. Si « faire école, faire la classe » a toujours interrogé le pédagogue et le formateur dans les dimensions institutionnelles (Meirieu, 2004) et pédagogiques (Meirieu, 2009) de l’acte éducatif, faire école dehors suppose un outillage conceptuel et méthodologique, voire logistique, qui convoquera, dans la prochaine décennie, une ingéniérie de formation adaptée aux enjeux de terrain. Si les approches dites énactives (Aden & Aden, 2017), réflexives, biographiques (Bachelart & Pineau, 2009) ou de l’auto-formation (Galvani, 2020) pourraient trouver tout leur sens au sein de ces programmes de formation, elles pourraient également être efficacement complétées par d’autres approches, inspirées, en particulier, des sciences de l’éducation à l’environnement et supposent un dialogue permanent avec les acteurs des terrains éducatifs (Ferjou & Fauchier-Delavigne, 2020) et associatifs (Acheroy & al., 2020).

AXES THÉMATIQUES PROPOSÉS

Partant des éléments précédents, 3 axes de réflexion sont proposés à discussion durant le colloque :

Axe 1 – Terminologie, Epistémologie et Méthodologie

Si l’objet premier du colloque est celui des pratiques professionnelles (axe 2) et de la formation (axe 3), il importe de questionner en amont les définitions de l’objet « éducation par ‘la nature’ » et les filiations historiques et disciplinaires qu’il entretient avec de précédents mouvements, décrits en histoire des sciences de l’éducation (Martel & Wagnon, 2022 ; Roy, 2021) et en sciences de l’éducation à l’environnement (Sauvé, 1997 ; Pineau & al., 2005), entre autres. Quels liens « l’éducation par ‘la nature’ » entretient-elle avec d’autres paradigmes ou concepts fructueux qui l’ont précédée et la questionnent, tels que ceux d’ « éducation relative à l’environnement » (Sauvé & al., 2017), d’ « écoformation » (Pineau & al., 2005), d’ « éducation ancrées dans le milieu » (Lloyd & Gray (2014), d’ « expérience de nature » (Fleury & Prévôt, 2017) – pour n’en citer que quelques-uns. En amont même de ce questionnement sur le lien entre éducation et « nature », se posera évidemment la question de la définition du terme de « nature », dans ses ramifications plurielles. Cela convoquera le champ de l’écologie (cf. Prévot, 2021) qu’on verra nécessairement dialoguer avec d’autres champs, tels celui de l’anthropologie (cf. Descola, 2005).

Dans ce même axe, on proposera aussi à la discussion la question des frontières disciplinaires et des connaissances associées en ce qui a trait à la définition même de l’éducation par « la nature ». Au vue de l’ancrage disciplinaire des recherches citées précédemment, l’éducation par la nature apparaît comme un objet intrinsèquement transdisciplinaire, à mi-chemin entre sciences de l’éducation et sciences de l’environnement, d’une part. D’autre part, du fait même qu’elle interroge les liens intra et inter-espèces, un objet de la sociologie, de la philosophie, de l’anthropologie, de l’écologie et de l’éthologie, entre autres (cf. Trocmé-Fabre, 2022). Par conséquent, quelles précautions – épistémologiques et méthodologiques – devons-nous avoir, en tant que scientifiques, lorsque l’on approche des objets de recherche qui dépassent nécessairement nos champs disciplinaires ?

Se posent enfin les questions d’ordre méthodologique. Par quels outils et démarches observe-t-on, recueille-t-on et analyse-t-on les pratiques éducatives situées dans l’environnement dit « naturel » ? Les paradigmes interactionnistes, et l’attention qu’ils portent à l’analyse de l’action via les dynamiques langagières en interaction (Nicolas, 2019), par exemple, peuvent-ils constituer une porte d’entrée vers l’analyse des pratiques ? Les recueils de verbalisations par entretiens (biographiques, semi-directifs, d’auto-confrontation, d’explicitation, etc.) participent-ils à la fois à la compréhension des pratiques et à la formation des acteurs de terrain ?

Axe 2 : Pédagogie et Environnement : la conduite régulière d’enfants dans des environnements dits « naturels » suppose de questionner en même temps les dimensions pédagogiques de l’accompagnement et leur impact sur l’environnement. L’éducation étant toujours contextualisée, ancrée dans un milieu, il importe de questionner les conduites pédagogiques dans la proximité qu’elles entretiennent avec les éléments végétaux, animaux et minéraux. Dans quelle mesure cette dynamique éducative, relativement récente sur le territoire français, suppose-t-elle une adaptation des postures des professionnel.le.s de l’accompagnement des enfants en contexte extérieur ? Quels sont les gestes pédagogiques pertinents face à ces situations éducatives inédites pour de nombreux/ses professionnel.le.s ? Comment les pratiques des professionnel.les et leurs croyances impactent-elles à la fois les activités menées par les enfants au contact des autres éléments du vivant et sur ce vivant lui-même ? Quels sont les rituels pédagogiques qui rythment les séances dehors ? Quelles innovations éducatives pourraient émerger dans et par ce contexte dit « naturel » ? Quelles conduites d’accompagnement se manifestent-elles de la part des adultes durant les séances dehors : comment gèrent-ils des groupes d’enfants dans des milieux extérieurs, qu’il s’agisse de pratiques de jeu libre ou bien d’activités davantage dirigées ?

Axe 3 : Didactique et Formation : Les dimensions formatives de l’accompagnement des pratiques éducatives par « la nature » sont forcément interrogées dès lors que l’on observe ces pratiques. Comment le système de formation – universitaire et/ou professionnelle – des accompagnateurs d’enfants (éducateurs petite enfance, éducateurs spécialisés, enseignants, animateurs nature, etc.) répond-il aux besoins des adultes exerçant ou se destinant à exercer la démarche d’éducation par « la nature » ? Quelle insertion peut-on envisager au sein des programmes de formation pour adultes, insertion qui soit à la fois capable de créer du lien avec les contenus existant au sein des maquettes et de proposer des contenus spécifiquement adaptés à l’accompagnement des enfants en extérieur ? Faut-il, d’ailleurs, penser « intégration » ou bien « construction » de programmes de formation nouveaux et parallèles ? Comment, sur ce point précisément, les recherches et les recherches-actions participatives menées en France et dans d’autres pays peuvent-elles aider à l’analyse des besoins des professionnel.le.s et à une intégration efficace dans le système de formation ?



URL :  https://educationnature.sciencesconf.org/.../


mot(s) clé(s) :  éducation au développement durable, au changement climatique et à la transition écologique, innovation pédagogique