Veille et analyses de l'ifé

Entre recherches et pratiques

   Vous êtes ici : Accueil » Agenda des colloques » Détails du colloque

Pays : France  Langue(s) : français 

Sociologie et psychologie : comment renouer le dialogue en éducation ?


Date :  du 06-04-2022 au 07-04-2022

Appel à communications ouvert jusqu'au :  15-01-2022

Lieu :  Campus Condorcet, Paris

Modalité :  en présentiel et/ou distanciel

Organisation :  Association française de sociologie (AFS)

Ces journées d'études sont organisées par les RT4 (sociologie de la formation et de l’éducation) et RT36 (pratiques théoriques) de l'Assocaition française de sociologie.

responsables : Séverine Chauvel (LIER), Daniel Frandji (ISPEF), Johan Giry (SAGE, CIRST, Groupe Modernité & Sociologie), Ghislain Leroy (Rennes 2, CREAD), Arnaud Saint-Martin (CESSP).

Inscription obligatoire – Ecrire à  : JEsociopsycho chez protonmail.com en précisant la modalité de participation (présence/distance) jusqu’au 1er avril 2022 inclus



Programme : 

Ces journées d’étude partent du constat de la complexité des relations entre sociologie et psychologie. Du côté de la sociologie, la nécessaire dénonciation de nombreux processus de psychologisation, de personnalisation et/ou de naturalisation de phénomènes sociaux peut amener à une certaine vigilance critique vis-à-vis des psychologies en général. Du côté de la psychologie, une certaine mise au second plan (voire abstraction) du social existe parfois, en particulier au sein de la psychologie cognitive, de fait dominante. La question est aussi celle d’une dispute des territoires scientifiques, dans un contexte, lui aussi à décrypter, où les neurosciences bénéficient d’une aura médiatique et d’un succès certain y compris politique, alors que dans le même temps, la sociologie s’avère, pour des raisons et peut-être des conceptions de l’individu et du social qui mériteraient d’être objectivées, de plus en dominée
dans le champ académique et au-delà.
Pour autant, dans le détail, et dans les marges de la sociologie et de la psychologie, on trouve des travaux qui s’attellent au dialogue, et cherchent à articuler “développement” et “socialisation”. En sociologie, les travaux de Claude Dubar portent par exemple une conception de la socialisation qui intègre la question du développement psychologique (Dubar, 2015). En psychologie, des travaux en épigénétique (Meloni, 2015) montrent l’importance de la culture et du social, partant du constat de la malléabilité du cerveau. Enfin, la psychologie culturelle apparaît comme un champ théorique à même d’amener des concepts déterminants pour penser les rapports entre l’intériorité et l’extériorité et leurs entrelacements (Vygotski, 1997 [1934] ; Wallon, 1973 [1934] ; Bruner, 1990, Rochex, 2019).
Cette journée d’étude vise donc moins à souligner les oppositions qui existent aujourd’hui entre la sociologie et la psychologie qu’à identifier des chemins de traverse, que nous souhaiterions voir abordés à partir de la question de l’éducation, de fait matricielle pour sesaisir des présentes problématiques à partir des deux axes suivants.

Axe 1 : ce que la sociologie fait à la psychologie

La sociologie amène à ne plus penser la formation individuelle uniquement à partir de règles universelles, qui vaudraient partout et toujours pour toutes et tous, mais plutôt à attester que selon les sociétés, ou les classes sociales, les développements et éducations ne s’effectuent pas selon les mêmes normes, priorités, ou selon les mêmes rythmes. L’étude des socialisations familiales différenciées donne par exemple à voir que les liens entre développement individuel et environnement familial sont indéniables. Les échelles d’évaluation psychologique des individus sont aussi des enjeux de lutte et d’assignation positive (Lignier, 2012) ou négative (Morel, 2012), outre le fait que la naissance de la psychologie elle-même, et sa démarche d’observation et de contrôle de l’enfant, ne peut être isolée d’un certain contexte socio-historique (développement de la préscolarisation, porteuse d’enjeux nouveaux autour de l’éducation de la prime enfance). La sociologie est ainsi encline à examiner les usages sociaux de la psychologie par les pouvoirs, notamment politiques.
Le regard sociologique permet aussi de questionner l’idée selon laquelle les psychologies individuelles ne seraient à comprendre que par rapport à elles-mêmes, par exemple au niveau des histoires personnelles. L’histoire des traumatismes individuels peut dès lors être resituée dans une histoire plus large, sociale, comme cela est réalisé dans les groupes de parole dans la tradition féministe, dont l’un des objectifs est de mettre en perspective les ressorts d’une domination à l’échelle individuelle en tant qu’elle s’inscrit dans une histoire sociale, avec son lot de violences de classe, de genre, dont la dimension structurelle est indéniable. Plus généralement, l’étude de la transmission des dispositions illustre à quel point les idiosyncrasies psychologiques individuelles sont en fait massivement dues à la socialisation ; qu’il s’agisse de la sexualité, des goûts individuels (de l’ascèse par exemple, Darmon, 2013), ou même de la manière de se penser ou non comme un individu singulier par rapport aux autres. Enfin, ces réflexions amènent à identifier que la genèse de la psyché individuelle est indissociable d’un rapport à l’autre qu’il ne suffit pas de postuler mais qu’il convient d’étudier ; c’est se pencher et amener de l’intelligibilité sur le « comment » de la transmission de dispositions et sur les interactions qui la constituent ; ici encore, l’apprentissage ne se fait pas seul : il constitue un processus social de part en part.

Axe 2 : ce que la psychologie fait à la sociologie

Les relations entre la psychologie et la sociologie se définissent le plus souvent par une posture que l’on pourrait qualifier de démarcationniste, suivant une variation de la typologie proposée par Cyril Lemieux (Lemieux, 2012). Selon cette perspective, l’étude des variations inter et intra-individuelles des comportements relèveraient exclusivement à la psychologie et marginalisent de ce fait les efforts de mise à distance d’une telle division du travail en particulier dans les programmes de recherche touchant aux questions éducatives (Naville, 1946 ; Isambert-Jamati, 1977). Or, on observe le développement ces vingt dernières années d’une « sociologie psychologique » (Lahire, 1999, 2001), ou encore d’une « sociologie du développement cognitif » (Rochex & Crinon, 2011), qui s’appuient sur deux autres postures, à savoir la posture intégrationniste (Borzeix, Bouvier & Pharo, 1998) et la posture
conversionniste (Conein & Thévenot, 1997).
La posture intégrationniste s’illustre par exemple à travers le renouveau du naturalisme social en sociologie, qui s’ancre dans des courants a priori distincts : le structuralisme génétique (Lahire, 2013 ; Joly, 2018), l’ethnométhodologie (Pharo, 2004), l’individualisme méthodologique (Boudon et al., 1997) et, enfin, la sociologie dite « cognitive » (Clément & Kaufmann, 2011). Les recherches en éducation visent le plus souvent à se départir de la posture démarcationniste, pour défendre l’heuristique de son envers intégrationniste, soit ce qu’autorise de réflexivité la minimisation des différences de statuts et des frontières entre les ordres du biologique, de la psychologie et du social (Duru-Bellat, 2011 ; Cordonier, 2018).
Dans cette perspective, plusieurs auteurs proposent en particulier d’articuler les démarches pédagogiques et la production des dispositions cognitives pour réinscrire l’analyse de la transmission dans celle des rapports de classe (Garcia, 2013 ; Lignier, 2019), en recourant parfois à des expérimentations reprises à la tradition psychosociologique (Croizet & Millet, 2016).
Les critiques de l’intégrationnisme consistent souvent à refuser la minimisation qu’elle sous-tend sur la base de l’incapacité actuelle de la psychologie cognitive à établir des causalités entre conduites sociales et substrats psychophysiologiques (Ogien, 2011). D’autres encore mettent en cause les conditions de la collaboration entre ces deux disciplines, au motif qu’elles resteraient bien souvent pétries d’une hiérarchie temporelle et spirituelle au détriment de la sociologie qui grève toute tentative d’intégrer les facteurs explicatifs mis en avant de part et d’autre (Morel, 2016 ; Darmon, 2021). Mais convenons qu’à s’y tenir, on sauvegarde l’horizon même d’une explication causale de l’action sociale soustraite au registre normatif et intentionnel (Descombes, 1995 ; Quéré, 2008).
La troisième posture, dite conversionniste, semble jouir d’une certaine actualité, certes, mais ténue au regard de la précédente (De Fornel & Lemieux, 2007 ; Ehrenberg, 2018). Cette posture se remarque dans une série de travaux situés aux confins de la sociologie, comme la psychodynamique du travail (Clot, 1999 ; Dejours, 2007) et ses prises sur les théories de la reconnaissance (Renault, 2007). Pensons également au renouveau des approches à la jonction de la sociologie et de la psychanalyse (Lemieux, 2014 ; Karsenti, 2014 ; Castel, 2021).
Les trois postures permettent de souligner combien l’évolution de la division du travail entre sociologie et psychologie est tributaire de celle des représentations du social lui-même, c’est-à-dire de la définition du domaine propre que les sociologues se donnent (Callegaro & Giry, 2020). Sitôt admis l’écart du social au biologique, le premier est-il appelé à se détacher ou à se réduire à ce tiers intermédiaire qu’est le psychique ? C’est à cette question que l’on se heurte en demandant « ce que la psychologie fait à la sociologie ».

PROGRAMME DÉTAILLÉ

Mercredi 6 avril

  • 9h. Accueil
  • 9h30. Introduction par le comité d’organisation

Conférence

  • 9h45. La norme du semblable. La morale à la croisée des sciences sociales et des sciences cognitives – Laurence KAUFMANN (Université de Lausanne, ISS, THEMA, CEMS)
  • 10h25. Discussion
  • Animation : Johan GIRY & Nicolas SEMBEL
  • 10h50. Pause
Communications
  • 11h15. Comment travailler la tension ontologique entre la sociologie et la psychologie sur l’éducatif, le soin et le social ? – Pierrine ROBIN (UPEC, Lirtes/Centre Marc Bloch)
  • 11h40. La fabrication des dispositions cognitives de l’élève de classe préparatoire : articulation entre individualisme et prise en compte des structures – Cédric LAHEYNE (Université Paris 8/ESS Amiens, CIRCEFT-ESCOL/CURAPP)
  • 12h05. Discussion
  • Animation : Louise FREULET, Johan GIRY & Nicolas SEMBEL

12h30. Pause déjeuner libre.

Conférence

  • 14h. La psychanalyse dans ou hors du social – Annick OHAYON (Université Paris 8, Centre Alexandre Koyré)
  • 14h40. Discussion
    Animation : Daniel FRANDJI & Christophe JOIGNEAUX

15h10. Pause

Communications
  • 15h40. Penser sur et avec la psychologie. A propos d’une ethnographie de groupes de psychothérapie pour « trouble de la personnalité bordeline » – Ivan GARREC (Université Sorbonne Paris Nord, IRIS)
  • 16h05. Croiser sociologie féministe matérialiste des rapports sociaux et psychologie existentielle en éducation – Irène PEREIRA (Université Paris 8, Experice)
  • 16h30. Discussion
    Animation : Daniel FRANDJI & Christophe JOIGNEAUX

Jeudi 7 avril

Conférence

  • 9h45. Formes sociales et processus d’individuation : entre usages, création et conflits de normes – Jean-Yves ROCHEX (Paris 8, CIRCEFT-ESCOL)
  • 10h25. Discussion
  • Animation : Séverine CHAUVEL & Ruggero IORI
  • 10h50. Pause
Communications
  • 11h15. Des mots pour construire discursivement le monde : les relations logiques entre les données en résolution de problèmes – Maíra MAMEDE (UPEC, CIRCEFT-ESCOL)
  • 11h40. Le paradoxe de Basil Bernstein. Imaginaire et inégalités sociales – Sarah GOUTAGNY (IUT Jean Moulin, Université Lyon 3)
  • 12h05. Discussion
    Animation : Séverine CHAUVEL & Ruggero IORI

12h30. Pause déjeuner libre.

Conférence

  • 14h. Pour un rapport plus raisonnable des sciences sociales aux neurosciences sociales : réflexions à partir d’éléments ethnographiques – Wilfried LIGNIER (CESSP)
  • 14h40. Discussion animée par Ghislain LEROY & Arnaud SAINT-MARTIN

15h10. Pause

Communications
  • 15h40. Ce que le dialogue entre psychologie et sociologie peut faire à la recherche en Sciences Humaines et Sociales – Pierre LACHE (Université de paris, CERLIS)
  • 16h05. L’intériorisation de la méritocratie, clé de sa reproduction – Marie DURU-BELLAT (Sciences Po Paris, OSC/IREDU)
    16h30. Discussion
    Animation : Lila LE TRIVIDIC HARRACHE, Ghislain LEROY & Arnaud SAINT-MARTIN


URL :  https://cessp.cnrs.fr/.../Sociologie-et-psychologie-comment-renouer-le-dialogue-en-education


mot(s) clé(s) :  psychologie de l'éducation, sociologie de l'éducation