Veille et analyses de l'ifé

Entre recherches et pratiques

   Vous êtes ici : Accueil » Agenda des colloques » Détails du colloque

Pays : France  Langue(s) : français 

La recherche sous contraintes - Étude critique multidisciplinaire des contraintes institutionnelles et scientifiques de la recherche salariée en sciences humaines et sociales - Journées d'études


Date :  du 09-03-2022 au 10-03-2022

Appel à communications ouvert jusqu'au :  12-11-2021

Lieu :  Université Paris Nanterre

Modalité :  présentiel

Organisation :  Institutions et dynamiques historiques de l'économie et de la société (IDHES)

Journée(s) de clôture du cycle de séminaires « La recherche sous contraintes » 2019-2020 et 2020-2021 organisé par l'IDHE.S (Université Paris Nanterre), le Centre Maurice Halbwachs (EHESS/ENS) et le Centre Georg Simmel (EHESS)

Les propositions de communication sont à envoyer avnt le 12 novembre 2021 à l’adresse recherchesouscontraintes@gmail.com - pour un retour du comité d’organisation le 15 décembre 2021. 



Programme : 

Appel à communications

Dans la poursuite des réflexions engagées lors du séminaire 2019-2021 intitulé « La recherche sous contraintes », nous proposons, à travers cette journée d’étude, d’ouvrir un espace de discussion autour de deux dimensions spécifiques de la situation de travail des chercheur·ses en thèse CIFRE ou sous une autre forme de recherche contrainte ou salariée : celle de la subordination et celle de l’apprentissage de la recherche.

Les séances de ce séminaire visaient, dans la lignée d’une série de travaux sur la recherche salariée, à interroger les conditions dans lesquelles sont produites les recherches scientifiques lorsque les doctorant·es dépendent économiquement de l’organisme financeur, mais également d’un « cadre de subordination juridique » (Perrin-Joly, 2010) associé au contrat de travail salarié3. La ou le doctorant·e, pris·e entre deux univers, doit répondre aux problématiques d’une double affiliation : le salariat et le monde académique. Régulièrement, les attentes de l’organisation et celle de l’institution universitaire peuvent s’opposer, ou se dérouler dans des temporalités contradictoires, qui mènent à partager « son temps de manière plus ou moins équilibrée entre recherche et tâches opérationnelles » (Morillon, 2008). Autrement dit, « au temps long de la recherche consacré à la réflexion distanciée s’oppose la rapidité d’analyse tournée vers l’action immédiate en entreprise » (Hellec, 2014). Face à ces nombreux défis, le rôle de la sphère académique se trouve plus rarement interrogé. Son influence a pourtant un impact majeur sur la production du savoir scientifique, d’ailleurs reconnue comme l’« un des facteurs de réussite de la recherche en entreprise » (Perrin-Joly, 2010).

Dans la continuité de ce séminaire, nous souhaitons poursuivre notre réflexion en identifiant et en interrogeant les façons dont la recherche salariée, dans le cadre d’une thèse en sciences humaines et sociales, forme voire « transforme » (Darmon, 2006) les doctorant·es. À la différence des recherches commanditées au cours desquelles des chercheur·ses confirmé·es sont amené·es à se positionner par rapport à des financeurs, la thèse en salariat a ceci de spécifique qu’elle survient lors de l’apprentissage du métier de la recherche (Laurens et Neyrat, 2010). Ainsi, la socialisation à cette recherche doctorale salariée n’est pas seulement régulée par l’institution académique, mais aussi par un tiers : l’organisation employeuse. Dès lors, elle implique d’objectiver les processus de formation, les intérêts institutionnels, explicites et implicites, mis en place par les différents agents que rencontre l’apprenti·e chercheur ou chercheuse au cours de son contrat et les effets qu’ils ont sur elle. En d’autres termes : quels types de chercheurs et chercheuses sont produits dans cette configuration de subordination ? Afin de répondre à cette question, et de dégager les enjeux théoriques posés par l’évolution globale des formes de financement et de contractualisation de la recherche publique dans les sciences humaines et sociales, nous souhaitons organiser les présentations selon trois axes :

1. Un apprentissage de la recherche sous contrainte : subordination et production des chercheurs et chercheuses par l’organisation.

Dans ce premier axe, nous invitons les doctorant·es qui sont ou ont été en contrat de droit privé à engager une réflexivité sur les conditions sociales de leur propre apprentissage de la recherche en situation salariale. On pourra pour cela s’appuyer sur la description et l’analyse des attentes de l’entreprise envers le travail du ou de la doctorant·e : quelles sont les tâches, les « missions » ou encore les « projets », parfois éloignés du sujet de recherche, qui sont alloués aux doctorant·es par les membres de l’institution qui les emploient ? Quelles formes de socialisation spécifiques à la recherche contrainte sont produites dans ces situations de travail ? Qui sont les agents qui apprennent aux chercheur·euses débutant·es à faire de la recherche pour l’entreprise ? En quoi la définition du poste et les interactions avec les « collègues » influencent-elles la conception de ce qu’est un·e chercheur·se ? L’expérience de la recherche contrainte favorise-t-elle un rapport distancié ou engagé à l’institution universitaire ou au terrain ? Génère-t-elle une (dé)politisation des chercheur·es ? Ainsi, via l’instauration d’un cadre d’échanges et de discussions bienveillantes, il s’agit de nous donner collectivement les moyens d’objectiver, et non de nier, ce que l’apprentissage de la recherche en situation salariale transforme dans la conception de la recherche et de soi en tant que chercheuse et chercheur.

2. Un apprentissage par la recherche sous contrainte : insubordination et production des chercheurs et chercheuses contraire à l’organisation

Dans ce second axe, il s’agira de poursuivre l’analyse des transformations qui s’opèrent chez les apprenti·es chercheur·ses en situation salariale, mais à partir des résistances que ces dernièr·es mobilisent face à ce cadre contraignant. Si la thèse constitue une socialisation à la recherche, il reste que les étudiant·es ont intégré au cours de leurs années universitaires précédentes des normes et valeurs scientifiques. Malgré le temps passé en entreprise, cette socialisation se poursuit lors du doctorat via le fait d’assister aux séminaires de recherches et aux réunions de laboratoire, et de rencontrer la directrice de thèse. Ces socialisations scientifiques, parfois doublées de socialisations militantes, peuvent entrer en conflit avec celles engagées au sein de l’organisation et participent dès lors à la formation des chercheur·ses. Ainsi, il ne s’agira pas seulement de soulever les manières dont les apprenti·es chercheur·ses apprennent à « tenir le cap le cap épistémologique » (Foli et Dulaurans, 2013) mais aussi de saisir en quoi l’expérience de l’insubordination à l’organisation peut marquer durablement la chercheuse dans sa conception de son métier. Quelles sont les tâches qui suscitent une opposition ? Quelles sont les tactiques (De Certeau, 1990) que les étudiant·es apprennent pour maintenir une distance vis-à-vis des attentes des collègues et des supérieur·es hiérarchiques ? Comment les organisations sont-elles transformées par la présence au long cours d’un.e chercheur.se ? En d’autres termes : quels types de chercheuses sont produits dans les situations d’insubordination à l’organisation ?

3. Les CIFRE, image des transformations de la recherche publique

Depuis une quarantaine d’années, les transformations de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche conduisent à une augmentation du nombre d’études financées par des organismes, publics ou privés, extérieurs à l’université. C’est particulièrement le cas des recherches doctorales. Le nombre de recherches financées en CIFRE ne fait que croître (moins de 800 en 2001, à 1377 en 2016, soit 10% des doctorant·e·s bénéficiant d’un financement), notamment en sciences humaines (27% des CIFRE pour un mode de financement destiné au départ à la recherche « industrielle »). Que signifient ces évolutions des modes de financement ? Comment s’articulent les évolutions récentes de l’ESR, le développement du financement sur projets, et la montée en puissance des contrats CIFRE ? Quel impact du régime des contrats de droit privé en CIFRE, par rapport aux contrats doctoraux ? Dans quelles mesures le contrat de travail de droit privé met-il en scène des situations de subordination ou d’insubordination ? Quels sont les effets de la subordination sur la production de savoirs et sur le choix des terrains ? Quelles formes d’implication le ou la chercheur·se peut-il/elle trouver dans sa présence sur le terrain ? Sous quelles conditions est-il possible de « résister à la commande » (Guillaume et Pochic, 2011) ? La CIFRE peut-elle conduire à de nouvelles alliances au service de la recherche publique ou, au contraire, mène-t-elle à des limitations du champ de la recherche ? Quel impact le type d’organisation employeuse a-t-il sur les conditions de production et le contenu de la recherche ? Toute autre piste tendant à évoquer les évolutions du secteur de l’enseignement supérieur et de la recherche pour montrer comment le développement des CIFRE en sciences humaines et sociales illustre des transformations profondes du champ sera bienvenue ici.



URL :  https://www.idhes.cnrs.fr/.../


mot(s) clé(s) :  enseignement supérieur