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Entre recherches et pratiques

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Pays : France  Langue(s) : français 

La littératie numérique au prisme des sociologies de l’éducation et de la culture


Date :  du 13-06-2019 au 14-06-2019

Lieu :  Maison Méditerranéenne des Sciences de l'Homme, 5, rue du Château de l'Horloge, 13094 Aix-en-Provence cedex 2

Organisation :  Aix-Marseille Université (AMU)

LINSEC 2019

La place croissante prise par le développement des technologies numériques dans l’ensemble des sphères sociales nous amène non seulement à intégrer leurs apports dans les pratiques sociales et culturelles que nous analysons, mais également à interroger la manière dont les institutions éducatives, culturelles et artistiques se saisissent de ces nouveaux objets.

Ce colloque souhaite apporter des éclairages sur ces thématiques afin de permettre de situer ces pratiques, qu’elles soient actives, hybrides, différenciées ou collaboratives, et ce, afin de mieux saisir les enjeux liés à la littératie numérique, à savoir l’ensemble des techniques et pratiques scripturales et lectorales, quel que soit l’espace social, éducatif, culturel, artistique dans lequel elles s’exercent.



Programme : 

Ce colloque international se propose d’étudier le numérique sous quatre axes. Les propositions de communication devront s’inscrire dans l’un des axes thématiques. Des usages des technologies aux implications humaines en ligne, tous travaux issus des sciences sociales sont les bienvenus.

Axe 1 : Littératie numérique et éducation

Ce premier axe thématique entend ouvrir la discussion sur ce que les technologies numériques font à la sociologie de l’éducation, quarante ans après la publication des préconisations de Michael Young concernant la nécessité pour le sociologue de l’éducation de considérer le caractère social des technologies (Young, 1984).
Dans le contexte contemporain de pervasivité des technologies numériques en éducation, permise par une pléthore de politiques publiques, de nombreux chercheurs soulignent l’insuffisance du seul équipement que ces projets ont mis en œuvre (Plantard, 2015a ; 2015b ; Pybourdin, 2009) ou même encore l’injonction contraignante que cela peut représenter pour un enseignant (Cordier, 2018). D’autres, adoptant une « perspective critique » (Collin, Karsenti, 2012) s’intéressent particulièrement au rapport que les élèves entretiennent avec les technologies numériques, un rapport construit principalement dans le cadre extra-scolaire mais étant par ailleurs « susceptible d’influencer leur disposition à s’éduquer et à se former avec le numérique et notamment en contexte scolaire » (Collin, Guichon, Ntebutse, 2015). La question des inégalités, de la différentialité dans les usages se pose donc ici. Un phénomène qui ne se limite pas uniquement « à des défauts d’équipement ou de connexion qu’il suffirait de prendre en charge, mais bien à des incapacités solidement ancrées, incorporées, qui sont l’expression d’inégalités sociales fondamentales », l’expression de « la persistance d’un ordre social » (Granjon, 2009). En d’autres termes, et à la suite des recherches déjà initiées, il semble à la fois pertinent et nécessaire d’apporter des éclairages généraux sur ce qui se passe et ce qui se doit d’être étudié quand la technique, plus particulièrement la technique numérique, intègre les processus d’enseignement-apprentissage.

De multiples recherches ont été parallèlement menées sur une pratique spécifique, un fondamental de l’éducation, la littératie, appliquée aux technologies, autrement dit, lire et écrire sur des écrans. Toutefois, ce champ de la recherche éclaté entre les sciences de l’éducation, les sciences de l’information et de la communication et la sociologie, propose une masse de concepts, « raison numérique » (Bros, 2009), « littératie numérique » (Bros, 2015 ; Deuff, 2012 ; Gerbault, 2012), « translittératie » (Cordier, 2017 ; Cordier, Liquète, 2013), « littératie informationnelle » (Deuff, 2012), « littératie informatique » (Drot-Delange, 2014), « littératie médiatique » (Deuff, 2012), tout à fait pertinents pris séparément mais méritant d’être approfondis en vue d’un dialogue, d’un partage entre les sciences et d’une systématisation théorique solide.

Les propositions de communication pour cet axe thématique pourront donc porter autant sur un aspect général de l’introduction des technologies numériques au sein des situations d’enseignement-apprentissage (en dedans et en dehors de l’Éducation nationale), que sur des aspects plus spécifiques liés à la littératie et aux compétences numériques.

Axe 2 : Pratiques lectorales, pratiques scripturales et numérique

Le numérique induit un certain nombre de changements dans le rapport que les individus construisent avec les objets littéraires ainsi qu’avec les objets culturels médiatisés par l’écrit, changements qui sont en lien avec les évolutions des formes de création, des modalités de diffusion et de réception. C’est pourquoi dans le cadre de cet axe, nous proposons d’interroger les pratiques lectorales et scripturales sur supports numériques.

Différentes questions se posent quant à la lecture et l’écriture par rapport au numérique : écriture et lecture sont-elles totalement transformées ? Le numérique bouleverse-t-il, et de quelles façons, les rapports à l’écrit et à l’écriture, des techniques scripturales à l’écriture créative, fictionnelle, textuelle et hypertextuelle ? De la même façon, bouleverse-t-il les rapports au livre et à la lecture, qu’elle soit scolaire, de loisir ou professionnelle, par la diversité croissante des supports, du livre papier au livre numérisé et/ou numérique, appréhendable sur liseuse, ordinateur, tablette, smartphone… ? Ces nouvelles pratiques culturelles sont-elles concurrentes ou complémentaires ? Qu’en est-il des prescripteurs et des médiateurs éducatifs et culturels, de leurs fonctions et de leurs activités (bibliothécaires, musées…) face à un public devenu parfois autonome ou expert en ligne ? Par exemple, les critiques culturelles, littéraires, cinématographiques médiatisées par internet, réalisées par un public profane d’amateurs, peuvent-elles suppléer, voire supplanter, l’expertise professionnelle ? Ou encore quelle place et/ou quels enjeux pour l’écriture de fan fictions ? Autant de pistes que cet axe se propose d’explorer, dans une diversité des terrains s’attachant aux différentes pratiques culturelles (littéraires, muséales, picturales, filmiques…).

Axe 3 : Les pratiques culturelles aujourd’hui et la littératie numérique

Les transformations des pratiques dites « culturelles » que génèrent le numérique sont en général analysées au prisme de leurs effets sur la morphologie et la hiérarchie des publics (Donnat, 2009 ; Fleury, 2011 ; Octobre, 2014), ces publics étant perçus comme spécifiques, celui des adolescents et des jeunes, supposés être plus familiers des nouveaux outils et nouvelles technologies (Mercklé, Octobre, 2012 ; Balleys, 2017). Les autres publics, voire les non publics, sont plus souvent laissés dans l’ombre ou sont étudiés sous l’angle de leur réticence (voire de leur résistance) à intégrer et à s’approprier les dispositifs numériques ; les seniors focalisant de ce point de vue l’attention des chercheurs (Bourdeloie, Boucher-Petrovic, 2014 ; Alava, Moktar, 2012). Il y aurait ainsi des effets générationnels où la familiarité, la proximité, l’habileté avec le numérique « en général » prédisposeraient aux pratiques culturelles numériques en particulier. On observe aussi que les études mettent l’accent sur les usages (ou à l’inverse les non-usages) du numérique, mais sans que soit toujours interrogée la variabilité du niveau de maîtrise des connaissances et des savoir-faire des individus, sans que soient toujours détaillées les compétences préalables nécessaires pour pouvoir construire ces pratiques culturelles.

Le numérique, parce qu’il bouscule les catégorisations établies (typologie des pratiques, catégorisation des publics), parce qu’il transforme les processus cognitifs à l’œuvre dans la construction des pratiques, modifie la manière même dont notre rapport à la culture prend forme. Ce n’est pas sans faire débat avec, pour simplifier, ceux qui défendent l’idée d’un accès à la culture viale numérique, différencié et différentiel, qui va dans le sens de la démocratie culturelle, de la diversité culturelle, etc., quand d’autres parlent de « perte de sens », comme si le numérique ne pouvait se conjuguer avec l’excellence artistique et venait nécessairement « altérer » la dimension culturelle de la pratique. De ces débats émerge la question des ressorts de l’inégalité et des transformations des formes de l’accessibilité aux œuvres et aux objets culturels. Dans quelle mesure l’attention portée au numérique s’accompagne-t-elle de la formation de nouvelles « inquiétudes » (délitement du lien social, inégalités d’accès dans les pratiques, montée en puissance d’une culture du divertissement) mais aussi de nouvelles ouvertures (augmentation des capacités cognitives, plus grande accessibilité, extension, renouvellement et diversification des pratiques culturelles) ?

Seront privilégiés dans cet axe les communications portant :

- sur des formes de diffusion numériques qui montrent une reconfiguration des pratiques et une mutation de la composition et hiérarchisation des publics ;

- sur la question de la variabilité des pratiques et des publics et les différentes manières d'être et de faire public aujourd’hui avec les outils numériques (effets de contexte, effets générationnels, etc.) ;

- sur les transformations du concept même de « pratique culturelle » et son renouvellement dans les modalités multiples de recomposition de nouvelles échelles de légitimité entre les publics et au regard de leurs pratiques ;

- sur les espaces et les temps des usages du numérique et sur ce que le numérique fait à ces espaces et à ces temps.

Axe 4 : Le numérique : objet sociologique ?

Si tout un chacun participe à sa manière à « faire » le numérique par sa pratique en y injectant, par exemple, du contenu volontaire (post) ou involontaire (données personnelles collectées à son insu), il n’en reste pas moins que l’usager « lambda » se trouve, sinon tout à fait contraint, tout au moins dépendant d’une technologie qui lui préexiste et qui définit dès lors un environnement a priori. Si l’on veut comprendre les transformations sociales liées au numérique, et notamment celles relevant de l’appropriation des informations et connaissances qui y transitent, il convient notamment de cerner les logiques sociales qui sont à l’œuvre en amont et contribuent à configurer les technologies, au moment de leur conception.

À la suite d’analyses qui n’ont pas attendu l’avènement du numérique pour penser le phénomène technologique (Akrich, Callon, Latour, 2006), il s’agit donc, dans cet axe, d’étudier les technologies numériques comme des objets sociaux. Logiciels, sites internet ou systèmes d’exploitation : seront mis en avant les travaux qui lèvent le voile sur ces ingénieries et éclairent, sous l’angle des sciences humaines et sociales, les conceptions et choix finalement « incarnés » dans ces artefacts. A l’image du PageRank de Google, « machine morale enfermant un système de valeurs » (Cardon, 2013), on doit s’efforcer – par exemple au sujet des algorithmes – « d’entrer dans les calculs » Cardon, 2015) afin d’identifier quelles visions du monde sont alors portées par le numérique.

Pour faire le lien avec la thématique générale du colloque, seront privilégiés les travaux portant sur des dispositifs numériques qui soulèvent des enjeux de connaissance, dans la lignée de la réflexion de Dominique Boullier relatives aux « technologies cognitives » (Boullier, 2016). Il s’agira in fine de questionner, de dénaturaliser, de démystifier même, le numérique afin de savoir s’il est un objet sociologique « comme un autre » ou une véritable entrée vers un paradigme (une ontologie ?) à venir.

Modalités de soumission :

Les propositions de communication, de 5000 signes maximum, au format Word ou RTF, seront à envoyer à l’adresse suivante : colloquelinsec@gmail.com

Elles seront accompagnées d’un titre de communication, de 3 à 5 mots-clés, et incluront une courte bibliographie de l’auteur (nom, affiliation, courriel, téléphone, adresse, cinq publications maximum).

Les propositions seront anonymisées et examinées en double aveugle.

Calendrier :

La date limite d’envoi des propositions est fixée au 15 février 2019.

Les avis du comité scientifique seront communiqués aux auteurs le 15 mars 2019



URL :  https://linsec.sciencesconf.org/.../1


mot(s) clé(s) :  culture médiatique et numérique